Audrey Rivière et Benoît Godet
Travail d’Étude et de Recherche (TER)
Maîtrise de sciences cognitives
Année 2002 – 2003




L’affective Computing :
rôle adaptatif des émotions
dans l’interaction Homme - Machine







Co-dirigé par Messieurs

Henrique Sequeira, Professeur Neurosciences, USTL, Lille 1


Fabien Torre, Maître de Conférence GRAPPA, Université

Charles de Gaulle, Lille 3







Remerciements



Nous tenons à remercier nos directeurs de mémoire, Monsieur Henrique Sequeira et Monsieur Fabien Torre, qui nous ont permis de travailler en étroite collaboration sur ce projet et de nous avoir accueillis, respectivement, au sein du Laboratoire de Neurosciences du Comportement et du Groupe de Recherche sur l’Apprentissage Automatique (GRAPPA). Nous les remercions pour leur confiance, leur enthousiasme et leur disponibilité dont ils ont fait preuve tout au long de ce travail. Leurs conseils nous ont été d’un grand secours pour l’aboutissement de ce mémoire.


Nous remercions aussi Madame Isabelle Tellier, pour avoir accepté de participer au jury lors de notre soutenance.


Audrey tient à remercier particulièrement les personnes suivantes.

Un grand merci aux étudiants de thèse, Laetitia, Sophie et Sylvain, pour nous avoir fait une petite place dans leur bureau et surtout pour leur bonne humeur.


Je remercie particulièrement Arnaud, un petit roux au grand c½ur, pour son soutien et pour ses cafés qui m’ont tenue éveillée jusqu’au petit matin. Merci aussi à Marc, pour sa générosité et à Sarah, ma petite belette préférée, pour m’avoir supportée pendant cette année.


Enfin, je remercie mes parents qui m’ont toujours soutenue depuis toute petite jusqu’à cette maîtrise et spécialement mon grand frère, pour ses encouragements et sa confiance.


Avant – Propos





L


e concept d’émotion fascine les hommes depuis l’Antiquité. On a considéré pendant très longtemps que les processus émotionnels étaient indépendants des processus purement cognitifs. En fait, selon l’idée communément admise, et plus ou moins répandue par les philosophes, les émotions n’avaient qu’un rôle perturbateur sur le fonctionnement cognitif normal, et les hommes devaient éviter de les laisser guider leur conduite, au péril de perdre définitivement la raison. Ce courant de pensée s’est néanmoins peu à peu inversé, notamment avec l’émergence d’un nouveau domaine au début du XIXème siècle, la psychologie. C’est ainsi que les émotions font aujourd'hui l'objet d'un intérêt grandissant en neurosciences, comme en témoigne la croissance exponentielle des publications dans ce domaine, depuis la fin des années 1990. Ce rebondissement s'explique par la convergence d'au moins trois facteurs : en premier lieu, l'essor des neurosciences cognitives ; en second lieu, de récents progrès techniques, comme l’imagerie fonctionnelle ; et enfin, une reconsidération de cette idée ancienne, avec l’introduction de la notion d’utilité des émotions. En effet, les émotions jouent chez l’homme un rôle critique dans la prise de décision, la perception, l’inter-action et l’intelligence. Parallèlement à l’essor de ce domaine, les capacités technologiques de l’informatique – que tout le monde connaît – ont suivi le même chemin. Il se produit alors un croisement de ces deux disciplines. En effet, suite à l’hypothèse selon laquelle les émotions sont indispensables pour l’adaptation de l’homme, les ordinateurs, de par leur capacité à les détecter, ne permettraient-ils pas non plus à l’homme de mieux s’adapter dans son environnement ? C’est ainsi qu’un nouveau sous domaine de l’intelligence artificielle, baptisé Affective Computing, a élargi le champ d’horizon des recherches. Il s’intéresse, entre autres, à améliorer l’interaction homme machine via l’intégration d’une composante affective, ainsi qu’aux aides que l’on peut apporter dans la communication d’informations émotionnelles chez l’homme (Picard, 1997). Cependant, cette dimension est-elle réellement bénéfique, et si oui, pourquoi ? C’est à cette question que nous tenterons de répondre, ou tout du moins, d’esquisser les raisons pour lesquelles il faudrait, ou non, prendre en compte ce facteur.

Pour cela, après avoir défini la notion d’émotion en prenant appui sur les diverses théories émises à ce jour, ces dernières s’interrogeant notamment sur son origine et ses caractéristiques, nous développerons dans un deuxième volet l’idée selon laquelle les émotions permettent une adaptation de l’homme dans son environnement. De fait, nous nous pencherons enfin sur les aspects concrets de l’apport d’une dimension émotionnelle dans l’interaction homme machine, à savoir, la façon dont, premièrement, elle peut être détectée et intégrée et, deuxièmement, en quoi la machine peut-elle mieux s’adapter à l’homme suite à la connaissance du contexte émotionnel. En guise de dicussion, nous nous permettrons de dresser un bilan général de la situation dans ce domaine qu’est l’Affective Computing – est-il viable ou non – et nous soumettrons quelques pistes à privilégier ou à délaisser dans l’avenir.



Table des matières


1.Qu’est ce qu’une émotion ? 8

1.1.Définition 8

1.2.Les théories sur l’origine des émotions 9

1.2.1.Les théories physiologiques 9

1.2.2.Les théories cognitives 10

1.2.3.Les théories constructivistes 11

1.2.4.Les théories neurobiologiques 12

1.2.5.Les théories néo-darwiniennes 12

1.2.6.Approche dimensionnelle des émotions 12

1.3.Répertoire émotionnel 14

2.Rôle adaptatif des émotions 18

2.1.Émotions et cognition 18

2.1.1.Émotions et mémoire 18

2.1.2.Émotions et prise de décision 21

2.2.Émotions et communication 25

2.2.1.Intelligence émotionnelle 26

2.2.2.Régulation émotionnelle 27

3.Interaction émotionnelle Homme - Machine 30

3.1.Module de reconnaissance émotionnelle 31

3.1.1.Mesures cognitives des émotions 31

3.1.2.Mesures physiologiques 33

3.1.3.Mesures comportementales 39

3.2.Module de compréhension affective 43

3.3.Applications 45

3.3.1.Pour une meilleure diffusion affective 46

3.3.2.Pour une communication plus facile 49

3.3.3.Pour réduire la frustration  50

3.3.4.Pour développer les habilités socio-émotionnelles par le jeu 51

3.3.5.Pour faciliter l’utilisation d’interfaces basées sur l’agent 52

3.3.6.Conclusion 56

4.discussion et directions futures 58

4.1.Limites de la reconnaissance et de l’intégration 58

4.1.1.Théorie du transfert de l’excitation (Zillmann, 1971) 59

4.1.2.Rôle de la connaissance 59

4.1.3.Rôle du contexte 59

4.1.4.Fiabilité du système 60

4.2.Relation homme machine 60

4.2.1.Exploration des besoins émotionnels 60

4.2.2.Ordinateurs et besoins émotionnels 61

4.2.3.L’interaction inter humaine comme modèle 62

4.3.Implications pratiques et théoriques 63

4.3.1.Les logiciels interactifs 64

4.3.2.Communication on-line  65

4.3.3.Manipulation émotionnelle 66

4.3.4.Retirer toute forme d’émotion négative 67

4.3.5.Un apport artificiel 67

4.3.6.Diminuer la réalité 68

4.3.7.Machines amies, la prochaine génération ? 68

5.Bibliographie 71


1.Qu’est ce qu’une émotion ?

1.1.Définition


Le concept dmotion a autrefois souffert dun manque de clart d lemploi respectif des termes motions, sentiment, passion et tats affectifs, ceux-ci tant assimils lun lautre ou employs lun pour lautre. En insistant sur le rle primordial du sentiment dans ladaptation, lmotion est alors dote dun revers ngatif, elle est une dsorganisation et une dsadaptation. En vertu de sa particularit quantitative, de son intensit, elle est perue comme une forme explosive de laffectivit qui, envahissant le champ de la conscience, provoque un retour aux automatismes prforms. Elle est une intensit ォ en plus サ, ォ en trop サ dans le comportement humain ou encore ォ le rat dune rgulation sentimentale サ (Pradines, 1954).

Par ailleurs, l’un des principaux problèmes actuels est l’absence de consensus au sujet d’une définition. Chaque protagoniste publiant des travaux sur ce sujet en possède ainsi une différente. Certains parlent par exemple d’anxiété en tant qu’émotion (Tomkins, 1980) alors que d’autres la placent au niveau des humeurs (Kirouac, 1989). Notamment, certains séparent plus particulièrement les états affectifs en plusieurs sous composantes. L’affect (ou état affectif), selon Kirouac (1989), désigne tous les états impliquant des sensations de plaisir ou déplaisir ou encore liées à la tonalité agréable ou désagréable. Il peut se décomposer en trois parties : les émotions, les humeurs et les évaluations (bonnes ou mauvaises). Les émotions reposent sur un objet (stimulus émotionnel), ce qui n’est pas le cas des humeurs. Les émotions se terminent avec la fin du problème alors que les humeurs perdurent dans le temps.


L’émotion, contrairement à un sentiment qui en est une médiation, correspond actuellement à une configuration spécifique de la réactivité organique, qui est ressentie dans l’instant. Reprenant les diverses théories émises à ce jour, Damasio (1994) propose la définition suivante : « Une motion est la combinaison dun processus mental valuatif simple et complexe, avec des rponses dispositionnelles ce processus pour la plupart vers le corps, ce qui produit comme rsultat un tat corporel motionnel, mais aussi vers le cerveau mme () ce qui produit comme rsultat des changements mentaux supplmentaires サ. Selon les thoriciens contemporains, une motion est, de plus, dfinie comme une raction organise et utile une situation donne.


Une fois la définition de ce concept posée, d’autres questions viennent naturellement à l’esprit : d’où naît cette dite émotion ? Pourquoi naît-elle ? Est-elle utile, et si oui, en quoi ? Peut-on les distinguer, ou sont-elles si complexes qu’indifférentiables ? En résumé, une multitude d’interrogations auxquelles de nombreux scientifiques ont tenté d’apporter une réponse, à la lumière des connaissances de leur époque.

1.2.Les théories sur l’origine des émotions


Plusieurs auteurs ont tenté de conceptualiser l’émotion, tant sur le domaine touchant aux composantes, aux déterminants, aux effets sur les comportements ou encore à leurs fonctions. Divers courants de pensées ont alors émergé, chacun ayant un paradigme de recherche propre. On y distingue premièrement les théories se basant sur les changements physiologiques ; la théorie cognitiviste, se focalisant ensuite sur les aspects conscients des émotions ainsi que sur la notion d’évaluation ; le constructivisme, dont la particularité est d’expliquer l’émotion par le contexte social ; l’approche neurobiologique, s’intéressant aux mécanismes fondamentaux du système nerveux à l’origine des émotions ; le darwinisme, ou approche évolutionniste, étudiant essentiellement la fonction adaptative des émotions ; et enfin l’approche dimensionnelle de Lang et al.(1993), qui se focalise sur l’organisation des émotions.

1.2.1.Les théories physiologiques


Les premières théories sur les émotions, apparues en 1884, prédisent que l’activation physiologique joue un rôle majeur dans le déclenchement des émotions. Deux principaux auteurs, James et Lange (1884), ont développé ce concept. Selon eux, des changements périphériques se mettent en place suite à la perception d’un stimulus, et c’est la perception de ces changements qui constitue l’émotion. De plus, des changements physiologiques périphériques différents entraînent des émotions différentes, et un feed-back corporel (c’est-à-dire une perception viscérale) est nécessaire pour permettre l’émergence d’une émotion. On peut schématiser succinctement cette théorie de la façon suivante.

Stimulus → Réponses physiologiques → Sensation de ces changements périphériques → Emotion


Cannon (1927) propose plutôt une théorie centrale des émotions. Il pense que les changements physiologiques seraient plutôt les conséquences de l’expérience émotionnelle, et non les causes. Les émotions seraient induites par l’excitation du thalamus1, qui en retour, provoquerait des changements physiologiques.


1.2.2.Les théories cognitives


Ces théories ont émergé avec la naissance d’un nouveau courant de pensées, prenant en compte le rôle de la cognition face aux stimulus de l’environnement.

Théories cognitivo-physiologiques

Schachter (1962) postule qu’une dimension d’éveil corporel ainsi que des processus cognitifs contribuent aux types d’expériences émotionnelles. La cognition détermine la nature de l’émotion, et les expériences physiologiques, son intensité. L’absence de l’une de ces deux composantes peut entraîner une expérience émotionnelle incomplète.

Théories de l’évaluation

Arnold (1950) introduit la notion d’évaluation cognitive ainsi que le concept de mémoire des expériences émotionnelles antérieures. En effet, l’homme évaluerait premièrement le stimulus en fonction de cette mémoire, générant ensuite une tendance à l’action. Cela aboutirait à une première attitude émotionnelle spécifique de l’émotion. Il s’en suit des impulsions nerveuses corticales, provoquant des changements physiologiques. Ces derniers seraient réévalués par un système de feed-back, donnant enfin naissance au label émotionnel de la situation. L’émotion est ainsi vue comme un processus temporel, comprenant divers mécanismes psychologiques, à travers lesquels une situation va devenir un stimulus émotionnel et donner lieu à une évaluation.

Lazarus (1991) émet une théorie relationnelle, motivationnelle et cognitive des émotions. Il s’appuie sur le fait que les émotions résultent de l’influence mutuelle d’un sujet et de son environnement. L’homme est décrit comme un organisme évaluateur (Appraisal), qui cherche constamment à évaluer la situation par rapport à son bien être personnel, en se basant sur des normes, règles et caractéristiques sociales de l’environnement. Ce résultat serait par ailleurs indissociable de la notion d’adaptation (Coping).

La notion de mutlidimensionnalité voit le jour avec Scherer (1984). L’émotion serait composée d’une évaluation, d’une activation physiologique, de l’expression motrice, de la motivation et de la subjectivité du sujet. Sa fonction fondamentale serait alors de permettre une bonne adaptation du comportement aux stimulus internes ou externes.

D’autres auteurs ont repris ce concept par la suite, comme Frijda (1986), introduisant une composante supplémentaire de préparation à l’action.

Nous pouvons noter que la notion majeure apportée par ce courant cognitiviste est le rôle adaptatif des émotions (cf. partie 2).

Théories schématiques

Ces théories se basent sur l’existence d’un stock mnésique d’informations affectives, réactivant des émotions sans lien direct entre le stimulus et l’individu.

Leventhal (1980) conçoit un modèle de l’émotion présentant diverses composantes de nature subjective, expressive et physiologique, mais dépourvues de toute dimension sociale. L’émotion résulterait d’une succession de traitement de l’information.

Selon Bower (1981), l’émotion serait comme un réseau de n½uds interdépendants, représentant chacun un concept sémantique, permettant ainsi une diffusion de l’activation. L’intensité de l’émotion influencerait alors la mémorisation, via un système d’amplification entre le n½ud émotionnel et la trace mnésique de l’information traitée.


1.2.3.Les théories constructivistes


Averill (1980) émet l’hypothèse selon laquelle les émotions seraient le produit de « constructions sociales » et dépendraient essentiellement du contexte social dans lequel elles apparaissent.

Les doctrines de Wallon (1938) et de Malrieu (1952) ont aussi évoqué principalement le contexte social et interactionnel associé au phénomène émotionnel. En effet, pour Wallon, dès les premiers jours de la vie de l’enfant, les réactions motrices et les attitudes posturales font naître des émotions auxquelles le milieu est appelé à répondre. Ce sont d’elles que proviennent les premières régulations du comportement, puis les progrès des habitudes motrices. Selon Malrieu également, leur fonctionnalité s’exprime au travers de leur action sur autrui.

1.2.4.Les théories neurobiologiques


Papez expose un premier modèle en 1937. Celui-ci définit trois circuits différents pour la pensée, le mouvement et les sentiments. Il présente la boucle dite de Papez qui serait à la base du circuit du sentiment.

Mac Lean (1990) élabore ensuite un modèle neuropsychologique de l’émotion qui fait intervenir les grandes parties du système nerveux central, à savoir les cerveaux reptilien, paléo-mammalien et néo-mammalien. C’est la théorie du cerveau « tri-unique ».

Aussi, Damasio (1994) propose la théorie des marqueurs somatiques. Ce sont des perceptions corporelles conscientes qui prennent naissance dans des zones de convergence corticales et sub-corticales et qui orientent nos raisonnements (cf. partie 2.1.2).

Il est important de noter que toutes ces recherches sur les structures nerveuses mises en jeu lors de processus émotionnels mettent en avant l’implication de l’hypothalamus2. Il est également important de noter que ce dernier occupe une situation privilégiée dans le contrôle des réponses hormonales, expliquant alors les manifestations physiologiques suite à l’apparition d’une émotion.


1.2.5.Les théories néo-darwiniennes


Darwin, en 1872, fut l’un des premiers à s’intéresser aux phénomènes émotionnels. Ces derniers auraient une qualité primitive adaptative, résultant d’une sélection phylogénétique. De plus, les motions sont en partie universelles (elles possdent des bases gntiques) et en partie culturelles.



1.2.6.Approche dimensionnelle des émotions


La théorie de Lang et al. (1993) – qui nous semble la plus aboutie à ce jour – définit les émotions selon une approche dimensionnelle. Leurs manifestations, ayant un pattern caractéristique suivant l’émotion émise, peuvent être quantifiées.

L’organisation des émotions s’effectuerait sur des continuums particuliers. Elle dépend en outre de la mobilisation de deux systèmes de motivation (aversif/appétitif), qui sont sous contrôle de structures sous corticales chez les mammifères. Il s’est basé sur les travaux de Hebb (1949), dans lesquels la motivation était définie comme facteur pouvant déterminer « la direction et la vigueur » des comportements. Ces deux caractéristiques peuvent alors être représentées respectivement comme des paramètres quantifiables : la valence affective (positive / négative) et l’intensité de l’activation. Plus précisément, l’intensité correspond à la disposition de l’organisme à réagir selon différents niveaux d’activation, tandis que la valence correspond à la disposition de l’organisme à émettre des comportements d’approche ou d’évitement. Cela définit alors un espace hypothétique à deux dimensions. Suivant ce principe, toute action peut être représentée par des coordonnées x et y.


Les émotions, de part leur implication dans de multiples réponses et de part leur extrême variabilité, ont une composition psychophysiologique chargée, que Lang distingue par trois canaux d’expression.

► Le volet comportemental c’est-à-dire les actes conscients ou les séquences de comportement fonctionnel (ex : attaque, fuite, comportement d’approche sexuelle…)

► Le langage émotionnel, incluant la communication expressive (ex : cris de menace, attaque verbale…) ainsi que l’évaluation du ressenti (description des sentiments ou attitudes générées)

► Les réactions physiologiques (ex : changements du tonus musculaire, des viscères, du système immunitaire…)


Cette organisation est bien sûr une simplification à outrance des sous-systèmes existants, des réponses complexes et des patterns caractérisant les émotions. Le tableau suivant (Lang et al., 1993) résume les réponses représentatives dans chacun des trois systèmes pouvant être mesurées dans le domaine des émotions.


Tableau I : Liste des réponses émotionnelles (d’après Lang et al, 1993)


Ainsi, suite ces diverses thories, nous pouvons dire prudemment que les vnements cognitifs et physiologiques sont impliqus dans lapparition des motions et vice-versa. Pour aider classer lorigine des motions selon une composante cognitive ou non cognitive, une distinction a t tablie entre motions primaires et motions secondaires, notions que nous allons dvelopper dans la partie suivante.

1.3.Répertoire émotionnel


Suite aux travaux de Darwin (1872), des auteurs tels Tomkins (1980), Izard (1971, 1977), Plutchick (1970, 1980), Panksepp (1989), Ekman (1982, 1989, 1992) ou Damasio (1994) ont alors dvelopp diffrentes thories, incluant les conditions pour dfinir les motions primaires (voir tableau II).

Certains stimulus de l’environnement (qui ne sont pas nécessairement reconnus consciemment) sont analysés par les structures limbiques (telle l’amygdale) et provoquent une réaction innée comme la peur. Ces réactions innées constituent les émotions primaires (c’est-à-dire générées selon une composante non – cognitive).

Les émotions secondaires – ou émotions sociales – sont , quant à elles, le résultat d’évaluations cognitives consciente et non consciente (c’est-à-dire générées cognitivement). Ces dernières sont élaborées dans le cortex préfrontal, qui répond sur la base d’apprentissages. Les réponses du cortex préfrontal sont ensuite transmises en retour au système limbique (voir figure 1).


Figure 1 : Le systme limbique

(tiré du site http://www.unites.uqam.ca/cnc/psy4042/emotion.pdf)



Tableau II : Liste des émotions primaires proposées par différents théoriciens.

Izard 1971

Plutchik– 1980

Tomkins – 1980

Panksepp–1989

Ekman-1992

Colère

Dégoût

Joie

Peur

Surprise

Tristesse

Mépris

Honte *

Intérêt

Culpabilité







Timidité *

Colère

Dégoût

Joie

Peur

Surprise

Tristesse





Acceptation

Anticipation

Colère

Dégoût

Joie

Peur

Surprise


Mépris

Honte

Intérêt




Anxiété





Colère

Dégoût




Tristesse



Intérêt

Colre

Dégoût

Joie *

Peur

Surprise *

Tristesse

Mépris *

Honte *

Intérêt *

Culpabilité *




Embarras *

Respect *

Excitation *



* Emotions prédites de façon incertaine par le théoricien

On peut remarquer que seules cinq émotions de base sont communes à ces différentes théories (colère, dégoût, joie, peur, surprise).


Ekman (1992) proposa par ailleurs neuf propriétés identifiant une émotion primaire :


En outre, une combinaison de plusieurs émotions primaires permettrait d’expliquer la complexité de ce que l’on éprouve. Plutchik (1980) compara les émotions à une palette de couleurs, les émotions primaires (au nombre de huit selon lui) correspondant aux couleurs primaires, et les émotions plus complexes à un mélange de ces couleurs primaires. Par exemple, le mépris résulte de la colère et du dégoût (voir figure 2). De plus, ces émotions varient en intensité (voir figure 3).


Figue 2 : Les émotions primaires Figure 3 : Panel de diverses émotions

(daprs Plutchik, 1980)
( tir du site http://library.thinkquest.org/25500 )


Conclusion : Au fil des années, de nombreux auteurs ont ainsi tenté d’apporter des réponses quant à l’origine et aux caractéristiques des émotions. L’une des premières approches scientifiques a été de se focaliser sur l’aspect subjectif des émotions. Par la suite, les théoriciens cognitivistes se sont concentrés sur la façon dont le cerveau détecte et évalue les stimulus émotionnels et, sur la base de cette évaluation, la manière dont les réponses émotionnelles sont engendrées. Grâce à de récents progrès techniques, les bases neurales de l’émotion ont ensuite été étudiées plus en détail. Notamment, l'imagerie fonctionnelle nous donne aujourd'hui la possibilité de voir le cerveau humain normal en action, alors qu'autrefois nous devions nous contenter d’indices fournis par le cerveau lésé3. Notre savoir s’est considérablement accru sur son fonctionnement, fournissant ainsi les bases indispensables pour aborder la complexité des phénomènes affectifs. Des perspectives entièrement nouvelles ont alors émergé, ouvrant la voie des neurosciences affectives. En effet, plusieurs chercheurs contemporains ont su réactualiser l'idée ancienne selon laquelle les émotions ont un rôle adaptatif. Ces dernières sont nécessaires au bon fonctionnement de nombre de nos facultés, comme la mémoire, le raisonnement, la prise de décision ou encore l’adaptation sociale. C’est cette influence sur laquelle nous allons, dans la partie suivante, nous attarder.


2.Rôle adaptatif des émotions

2.1.Émotions et cognition

2.1.1.Émotions et mémoire


Nos émotions jouent premièrement un rôle essentiel dans notre mémoire autobiographique. L'étude des mécanismes cérébraux qui les gouvernent a pourtant été longuement négligée par les neurosciences. Toute émotion affecte simultanément notre corps, notre comportement, nos sentiments et notre mémoire. Autant d'aspects difficiles à mesurer objectivement et à évaluer simultanément. Face à une même situation, les réponses émotionnelles varient en fonction de l'individu, de son tempérament et de son environnement physique et social. Une versatilité qui complique encore leur évaluation. A la fin du XIXème siècle, Sigmund Freud attribuait pourtant aux émotions une influence déterminante dans le développement des individus. Le psychologue William James soulignait déjà leur importance pour le bon fonctionnement de la mémoire. « Se souvenir de tout serait aussi fâcheux que ne se souvenir de rien », insistait-il.

Renforcement du rappel épisodique

L’émotion joue un rôle primordial dans le renforcement du rappel épisodique4. Nos souvenirs autobiographiques semblent dotés d’une persistance et d’une énergie qui leur sont propres. Lorsque nous sommes en proie à l’émotion, notre capacité à conserver des souvenirs dans notre mémoire épisodique se renforce. Après qu’un événement se soit produit, notre capacité de rétention est la même qu’il soit ou non chargé d’émotion. La différence est au plan de la durée. Nous oublions beaucoup plus vite les évènements émotionnellement neutres. Les souvenirs d’évènements émotionnels sont donc plus tenaces. Ceci n’est cependant pas vrai dans le cas de stress intense ou prolongé. Dans ce cas, la réaction émotionnelle peut alors nuire à la performance de la mémoire épisodique.

Réponse émotionnelle implicite apprise

Nous avons tous connus des situations dans lesquelles nous ne nous sentions pas bien (par exemple, une route où nous avons déjà eu un accident) suite à notre expérience. Dans ces moments, nous nous rappelons des évènements passés et notre corps exprime le souvenir émotionnel de la situation (peur, nervosité, sudation, etc.). Cette mémoire implicite5, automatique et de type quasi-réflexe, peut ou non accompagner le rappel conscient d’un événement. Ces deux modèles d’influence sont associés au fonctionnement de l’amygdale et de l’hippocampe6 (voir figure 1).


Les travaux de Le Doux (1994) montrent que l’hippocampe enregistre et qu’il trouve un sens aux perceptions. Sa fonction est de fournir une mémoire précise du contexte des événements, sans lequel il ne peut y avoir de sens émotionnel. Si l’hippocampe mémorise les faits bruts, l’amygdale retient la connotation émotionnelle qui leur est attachée. Lorsque l’amygdale reçoit un ou plusieurs stimulus, elle en fait une rapide évaluation et présente au cerveau une sorte de « rapport » sur ce que l’organisme doit en attendre. L’amygdale évalue le contenu du stimulus comme quelque chose de prometteur et désirable, dont il convient de s’approcher ou bien elle le classe comme objet dangereux qu’il faut fuir. Pour procéder à cette évaluation rapide, l’amygdale fait appel à une information préprogrammée assez rigide, « engrammée » dans les circuits cérébraux de manière innée. Elle dispose aussi d’informations acquises peu à peu, tout au long de la vie de l’individu, dont les traces s ‘accumulent dans notre cerveau sous forme de souvenirs, conscients ou non.


Par exemple, si nous évitons de justesse un accident, chaque fois que nous reprendrons cette route, l’hippocampe se souviendra des circonstances et l’amygdale déclenchera une poussée d’anxiété.


Plus précisément, le centre névralgique est l'amygdale qui reçoit des informations par deux circuits (thalamique et cortical). Les informations thalamiques véhiculent une perception grossière et rapide d'une situation, alors que les réseaux corticaux donnent une représentation détailée. Ces derniers circuits sont longs, ils passent par le thalamus puis le cortex avant d'atteindre l'amygdale; ils sont donc lents. Ces deux voies de la mémoire émotionnelles ont des contraintes temporelles distinctes : une rapide (thalamique), une lente (corticale) (voir figure 4).

Figure 4 : Les deux voies de la mémoire émotionnelle

(tiré du site : http://www.lecerveau.mcgill.ca)



Face à une émotion, le thalamus active simultanément le cortex et l'amygdale. Ce qui fait naître immédiatement des réactions émotionnelles dans l'amygdale avant même que nous ayons identifié le stimulus émotionnel. Le circuit court thalamo-amygdalien est donc utile lorsqu'il faut réagir vite.

Dans un deuxième temps, le traitement de l'information par la voie longue corticale permet la vérification de la situation afin de la renforcer si c'est un véritable stimulus émotionnel (oui c'est un serpent) ou de neutraliser la réaction de peur si c'est une erreur (non c'est un bout de bois).

L’amygdale est donc une structure impliquée dans la mémoire émotionnelle alors que l’hippocampe, dans la mémoire explicite. Cette différence explique pourquoi nous ne nous souvenons pas des traumatismes qui se produisent au début de la vie. En effet, l'hippocampe est encore immature lorsque l'amygdale est déjà capable de stocker des souvenirs inconscients. Un traumatisme précoce pourra perturber les fonctions mentales et comportementales d'un adulte par des mécanismes inaccessibles à la conscience.


Ainsi, les afférences de l'amygdale nous donnent une bonne idée de ce qui est nécessaire à l'expérience d'une émotion comme la peur (cf. figure 5).


Figure 5 : Les afférences de l’amygdale

(tiré du site : http://www.lecerveau.mcgill.ca)



Les connexions de l'amygdale au cortex peuvent influencer l'attention, la perception et la mémoire d'une situation dangereuse. L'amygdale peut aussi influencer le cortex de manière indirecte par ses connexions au système de l'attention du tronc cérébral. D'autres régions du tronc cérébral déclenchent la cascade de réactions physiologiques associées à la peur qui créent une rétroaction vers le cerveau. L'intégration de cette rétroaction dans la mémoire de travail procure le sentiment de vivre une émotion.


Ainsi, une structure, aussi petite soit-elle - l’amygdale - joue paradoxalement un rôle crucial dans le processus de mémoire, en donnant une valeur affective aux situations perçues. Ce n’est pas sa seule et unique fonction, comme nous allons prochainement le détailler.




2.1.2.Émotions et prise de décision


Face à une situation où leur survie est en jeu, tous les êtres vivants, dotés d’un répertoire fourni de comportements, sont confrontés à la nécessité de choisir. Les humains représentent le modèle par excellence des êtres soumis à cette règle. Nous sommes en effet, parmi les êtres animés, les plus capables d’avoir une perception fine du monde qui nous entoure et de concevoir de nombreuses réponses différentes aux situations changeantes qui se présentent.


Dans la tradition philosophique occidentale, les processus de prise de décision sont rapportés à notre faculté de penser, à notre aptitude de raisonner correctement sur les diverses possibilités d’action qui nous sont offertes. En effet, si l’on s’inscrit dans une logique mathématique, les théories normatives (théorie de la valeur attendue7 et de l’utilité attendue8) peuvent guider une prise de décision « rationnelle » mais ne décrivent pas adéquatement la façon dont les gens prennent spontanément les décisions. Les sujets ne respectent pas toujours certains principes, tels que le principe de transitivité9 et le principe de mise certaine10. Certes, trois facteurs influencent significativement la prise de décision, à savoir les effets de cadrage11, la représentativité des évènements et leur disponibilité en mémoire à long terme. Mais les sujets ne s’y conforment pas toujours et il y va de même pour la perception du risque et du hasard.


Les résultats des recherches en neurologie et psychologie de ces quinze dernières années nous invitent à revoir la manière dont nous comprenons les mécanismes de la décision, par le biais des émotions. Par l’étude clinique de patients atteints d’un déficit émotionnel, deux structures cérébrales se sont révélées comme capitales dans la prise de décision, à savoir les lobes frontaux et l’amygdale.


Rôle des lobes frontaux

En volume, ils représentent à peu près le tiers de la masse cérébrale, et beaucoup moins chez les animaux (3% chez le rat). Comment interviennent-ils dans le processus que nous avons décrit et dans la planification des conduites humaines ? L’étude des lésions frontales et de leurs conséquences sur le comportement des personnes a apporté un certain nombre de réponses. Un des cas les mieux analysés, en particulier par Damasio et Eslinger (1985), est celui d’un homme surnommé Elliot.


Il s’agit d’un analyste financier qui, suite à une tumeur bénigne dans la zone centrale du lobe préfrontal, a perdu une partie de ses tissus neuronaux. Ses capacités de raisonnement sont restées les mêmes qu’avant son opération. Des expériences en laboratoire ont montré qu’il était toujours capable de savoir quelle était la manière la plus appropriée de se comporter en société. Cependant, son comportement avait radicalement changé. Il était incapable de se concentrer longtemps sur une tâche : ainsi, il s’est lancé dans un autre travail, en ayant complètement perdu de vu son objectif initial. Par ailleurs, il s’est lancé dans des opérations boursières qu’il savait douteuses, et y a perdu une fortune. Diverses expériences ont montré qu’il était parfaitement capable d’éviter ces déboires. Cependant, il semble que les mécanismes qui présidaient chez lui à la prise de décision aient été faussés. Or, il a annoncé par la suite qu’il était devenu incapable de ressentir la moindre émotion. D’autres patients présentant le même type de déficience dans la prise de décision ont également reconnu ne plus ressentir d’émotions.


Rôle de l’amygdale

Comme nous l’avons expliqué précédemment, la fonction essentielle de l’amygdale est d’attribuer une signification émotionnelle aux stimulus sensoriels qui lui parviennent du monde extérieur. L’amygdale ne fait pas que produire des rapports, elle déclenche également une série de réactions – comportementales, neurovégétatives, endocriniennes – qui impliquent de nombreuses autres structures nerveuses qui lui sont connectées. En dernier lieu, l’amygdale gouverne les modifications du tonus nerveux général : les changements d’humeurs, euphorie ou tristesse. Ces réactions adaptatives sont d’autant plus marquées et visibles que les émotions sont violentes, comme une attaque de colère par exemple. Mais elles interviennent également de manière continue dans nos comportements, à une échelle moindre et de manière beaucoup plus discrète, au point de passer inaperçues.


Finalement, les modifications physiques déclenchées par l’amygdale sont à leur tour perçues par d’autres régions cérébrales, par l’intermédiaire des voies nerveuses et du circuit hormonal. Damasio (1994) a montré à quel point cet échange d’informations est important pour comprendre les mécanismes des émotions et leur participation à la prise de décision chez l’homme. Selon son expression, le cerveau surveille en permanence le paysage toujours changeant des organes et des viscères. Il a alors proposé une théorie originale des mécanismes d’interaction entre amygdale et lobes frontaux.


Théorie des marqueurs somatiques de Damasio

Le cortex pré-frontal est une zone qui connecte les aires associatives responsables de l'analyse et de l'intégration des stimulus extérieurs aux zones chargées de l'élaboration des plans d'action et à celles contrôlant le milieu végétatif interne. Ainsi, le cortex pré-frontal va, via l’amygdale, associer les sensations émotionnelles, implicites et automatiques, à un stimulus. Il va en même temps enregistrer cette relation et sera, par ailleurs, capable de réactiver les sensations émotionnelles lors d'une rencontre ultérieure avec le stimulus conditionnant. Damasio (1994) parle de « marqueurs somatiques » qui permettraient donc à un individu de prendre en considération ses rencontres précédentes avec des stimulus et d'en tirer parti pour la réalisation de ses choix et de ses plans d'actions.


Ce marquage permettrait au cerveau d’opérer très rapidement des choix, en écartant d’emblée certains scénarios d’action, et en présélectionnant d’autres tout aussi rapidement. Ces mécanismes dépasseraient les processus d’évaluation rationnelle en rapidité, en économie de moyens, en efficacité. Ils permettraient finalement aux processus de se concentrer sur la solution des problèmes pour lesquels ils sont les plus efficaces.




Conclusion : L’étude de lésions cérébrales, comme pour le cas d’Elliot, a donc conduit à la conclusion suivante : les processus émotionnels sont impliqués, d’une façon ou d’une autre, dans ceux qui président à la prise de décision. Les malades souffrant d’un déficit de la communication entre le lobe frontal et l’amygdale auraient des difficultés à mettre en ½uvre cette fine pondération émotionnelle des contenus d’action projetés. C’est pourquoi ils échoueraient, au moment de prendre des décisions délicates et personnelles.


Damasio (1994) soutient en effet que la prise de décision des sujets humains est guidée par un ensemble de marqueurs somatiques positifs ou négatifs qui leur procurent un «sensation viscérale» concernant le choix d'une option donnée et attirant son attention sur les conséquences négatives ou positives de son action. Les émotions nous permettrait alors d’évaluer le caractère désirable ou non d’une décision. Selon l’émotion ressentie, nous serions donc orientés, par exemple, vers l’approche (émotion positive) ou la fuite (émotion négative). L’émotion donne une étiquette (positive ou négative) à une situation. Nous voilà donc amenés à reconnaître que les émotions, loin de constituer un obstacle à la prise de décision rationnelle dans la vie quotidienne, se révèlent être leur condition indispensable. Les émotions apparaissent alors plutôt comme des modes de fonctionnement de cerveau qui permettent à celui-ci de réagir de façon optimale à des situations données. Elles permettent donc l’harmonisation des différents processus cognitifs pour que l’esprit puisse s’adapter à une situation donnée.


En effet, le système cognitif humain est certes extrêmement perfectionné, mais il est par-là même déficient : étant très riche, il lui faut un certain temps pour parvenir à une conclusion. Les émotions permettent alors au cerveau humain de réagir de façon beaucoup plus rapide à une situation donnée, en éliminant très rapidement un grand nombre de réactions possibles. Ainsi, lorsqu’on a été malade à la suite de l’ingestion d’un aliment, nous ressentons instantanément du dégoût pour ce produit, et notre réaction immédiate est la nausée : l’émotion nous permet alors de réagir beaucoup plus rapidement à un danger potentiel qu’un véritable raisonnement.




2.2.Émotions et communication


On reconnaît enfin aux émotions un rôle de nature purement social (Averill, 1990), les humains sont, fondamentalement, des êtres sociaux. Les émotions sont décisives pour l’adaptation de l’individu et ceci, dès sa naissance : les nouveau-nés se fient complètement aux autres pour combler leurs besoins, jusqu’à l’âge adulte, à des degrés divers.


Elles continuent à l’être, par la suite, en tant qu’adaptations circonstanciées à des modèles sociaux. D’une part, l’acteur social doit accorder ses expressions émotionnelles aux impressions qu’il souhaite produire, en vertu de « codes sociaux », l’idéal étant qu’il y ait harmonie entre les éprouvés, leur expression et les impressions produites. D’autre part, il y a un ordre social qui impose une dialectique de l’expression émotionnelle et de son usage, tant public que privé.


Pour Dumas (1948), les mots « expression émotionnelle » sont psychologiquement vides de sens et ne peuvent se comprendre que si l’on suppose une vie sociale où l’expression sera interprétée. Par exemple, le sourire peut être réflexe (lors de la reconnaissance d’un visage familier) mais aussi volontaire (sourire forcé). Les expressions émotionnelles, et les émotions, ne sont pas uniquement ce qu’elles sont pour nous, mais aussi ce qu’elles sont pour autrui et leur signification dépend de l’accueil qu’elles reçoivent. Il s’agit donc d’un outil extrêmement important pour la coordination sociale.


De fait, une des fonctions premières des émotions semble être de communiquer des informations à autrui, ainsi que notre état d’esprit, ce qui permet très facilement à un groupe de reconnaître les dispositions de chacun de ces membres. De part leur détection et leur interprétation sous-jacente, les émotions sont ainsi vues comme jouant un rôle dans la communication humaine (Picard, 1995). Les hommes ont aussi besoin d’apprendre beaucoup des autres pour savoir comment gérer leur environnement et eux-mêmes. C’est ainsi que, suite à cette nouvelle conception, la notion d’intelligence émotionnelle vit le jour, complétant la notion de quotient intellectuel.


2.2.1.Intelligence émotionnelle


L’expression d’intelligence émotionnelle est apparue pour la première fois dans une série d’articles scientifiques rédigés par Mayer et Salovey (1995). L’intelligence émotionnelle correspondrait à un ensemble de qualités et de dispositions individuelles (qualifiées habituellement de compétences non techniques ou de qualités interpersonnelles et intrapersonnelles) qui débordent des domaines traditionnels tels que sont les connaissances particulières, l’intelligence générale et les qualités techniques ou professionnelles.


L’intelligence émotionnelle signifie avant tout avoir conscience des émotions et de la façon dont elles peuvent influencer sur l’intelligence traditionnelle (par exemple, altérer, aiguiser les jugements…).


Elle se compose de cinq facteurs :


Bien entendu, ces aptitudes varient d’une personne à l’autre. Comme le cerveau est d’une plasticité13 remarquable et apprend constamment, il est possible de compenser les insuffisances.



2.2.2.Régulation émotionnelle


L’intelligence émotionnelle fit naturellement naître avec elle la notion de régulation émotionnelle. C’est l’aptitude et la capacité à moduler et gérer son état émotionnel, et permet ainsi aux humains de générer une réponse émotionnelle appropriée aux situations changeantes. De plus, elle permet aux individus, doués de motivation et de discipline, d’atteindre leur but (Mayer, 1995). L’échec de gérer ses propres émotions peut avoir de profonds effets, allant de la chute de productivité (due à l’anxiété par exemple) à l’incapacité d’apprendre, voire une dégradation des relations humaines (due à un excès de colère par exemple).


Un grand nombre de méthodes sont utilisées pour aider les hommes à gérer leurs émotions, comme les stratégies internes (pensée positive et optimisme) ou les stratégies externes (communication avec des personnes ou des médias, sport, consommation de nourriture, d’alcool, de cigarettes ou de drogues). Ces stratégies permettent d’exprimer ou de se décharger simplement de ses sentiments, envers le stimulus original – personne, objet, ordinateur – et tendent à avoir des effets calmants (Goleman, 1995).


Il existe deux types de support pour la gestion des émotions : les supports passifs et les supports actifs (Klein, 1996). Les supports passifs sont ceux utilisés pour man½uvrer les humeurs sans aborder ou discuter des émotions elles-mêmes (média, sport, nourriture et drogues). La communication avec autrui rentre aussi souvent dans cette catégorie : faire du sport avec des amis permet de gérer ses émotions mais sans, non plus, parler des émotions. Cependant, lors d’états émotionnels fortement négatifs, comme la tristesse, l’anxiété ou la déception, les individus se tournent vers leurs amis et dans ce cas, ce sont ces tierces personnes qui sont un support actif pour les régulations émotionnelles. Parler à un proche ou se préoccuper du malheur d’un ami, en se renseignant sur la façon dont la personne se sent, est un exemple d’engagement de support actif.


L’écoute active, stratégie se basant sur la notion de support actif, a été mise au point par Roger (1954). Elle réagit à un individu qui ressent un désordre émotionnel en fournissant une information sincère et sans jugement. Cette méthode est effective pour des adultes et des enfants. L’écoute active est donc une stratégie efficace pour soulager un intense état émotionnel négatif. C’est alors que la psychologie s’est intéressée à ce mode de régulation possible des émotions, aidée récemment par le domaine de l’Affective Computing.







Ainsi, les émotions, de part leurs influences sur la cognition, permettent de réagir rapidement, efficacement et de façon appropriée selon le contexte environnemental. Damasio (1994) a montré sous un jour nouveau l’importance structurante des émotions dans les prises de décision. C’est le cortex frontal qui permet, en présence de telle ou telle situation, d’activer les représentations somatiques qui lui sont associées en connectant cette situation aux souvenirs émotionnels gérés par le système limbique et en particulier l’amygdale. Les fonctions des émotions sont donc de nous rendre sensibles à notre environnement, de nous faire tenir compte de lui et finalement de nous relier à lui. Par ailleurs, en raison de leurs traits communicatifs et sociaux, les émotions sont indispensables et bénéfiques à l’interaction entre individus. Toutefois, un excès d’émotions peut générer une réaction inadéquate et entraîner une désadaptation de l’individu. C’est alors qu’intervient l’Affective Computing, discipline affectivo-informatique, étudiant les influences réciproques entre ordinateurs et émotions. Notamment, elle pose la question suivante : détecter, voire diminuer, par le biais informatique, les émotions dites « négatives » – ou tout du moins néfastes pour le bien-être de l’homme – permettrait-il une meilleure adaptation de l’homme dans l’environnement ? C’est sur cette problématique que se sont penchés certains chercheurs du domaine de l’interaction homme machine.


3.Interaction émotionnelle Homme - Machine


Actuellement, les interactions homme machine font l’objet de nombreuses recherches qui visent à accroître les performances de ces interactions, en facilitant l’utilisation des machines pour l’homme, et en adaptant les machines à leurs utilisateurs et aux tâches qui leur sont assignées. Une des possibilités pour améliorer cette interaction est que la machine ait la capacité de recadrer ses commandes vis-à-vis des conditions environnementales dans lesquelles elle est utilisée. Pour permettre l’accès à une partie de cet environnement, il serait judicieux que la machine puisse connaître l’état mental dans lequel se trouve l’utilisateur. Les émotions peuvent en fournir une fenêtre relativement correcte.


En permettant la détection des variations physiologiques sous - jacentes aux émotions par l’ordinateur, nous pourrions créer un ordinateur capable de reconnaître nos émotions. Comme l’intervalle entre le déclenchement d’une émotion et sa manifestation est quasiment instantané, le mécanisme informatique évaluateur doit être capable d’agir rapidement. C’est cette étape que nous appellerons module de reconnaissance, qui sera détaillée dans un premier volet.


Une fois ces étapes de détection et de reconnaissance assimilées, le système est primitivement « conscient » de l’état émotionnel du sujet. On peut alors se demander comment et quels paramètres vont être pris en compte dans une telle interaction, le but étant d’adapter, en conséquence, ses commandes à nos besoins émotionnels. C’est ce que nous appellerons le module de compréhension, qui sera développé dans une seconde partie.





3.1.Module de reconnaissance émotionnelle

3.1.1.Mesures cognitives des émotions

Données subjectives

Il existe des échelles permettant de mesurer le ressenti émotionnel, notamment la SAM et la VAS. Le VAS (Visual Analog Scale), créé par Monk, permet d’évaluer les états émotionnels toniques, tandis que le SAM (Self Assesment Manikin), créé par Lang (1997), les états émotionnels phasiques. Cette dernière échelle est très utilisée dans le domaine de psychologie expérimentale. On demande aux sujets d’évaluer l’attrait, l’éveil et la dominance14 de chaque stimulus présenté grâce à cinq figurines représentant ces valeurs.


En effet, pour mesurer la dimension de la valence, on a à une extrémité un visage joyeux, content et à l’autre extrémité, un visage non content, renfrogné (voir figure 6).


Valence positive Valence négative

Figure 6 : Échelle mesurant la valence d’un stimulus émotionnel (Lang et al., 1997).



Pour mesurer l’intensité d’activation, on a un visage excité, avec de grands yeux et à l’inverse, une figure détendue, endormie (voir figure 7).


Forte activation faible activation


Figure 7 : Échelle mesurant l’intensité d’activation d’un stimulus émotionnel (Lang et al., 1997).


Pour la dominance, on a un grand visage contrastant avec un petit (voir figure 8).


Faible dominance Forte dominance

Figure 8 : Échelle mesurant la dominance d’un stimulus émotionnel (Lang et al., 1997).



Dans le cadre de l’interaction homme machine, cette prise d’information n’apparaît pas comme directement pertinente dans le sens où elle s’effectue après et non pendant l’interaction. Elle est toutefois primordiale pour évaluer l’émotion ressentie lors des expériences de mesures physiologiques et permet alors de corréler des patterns physiologiques caractéristiques à un certain type d’émotion. (cf. partie 3.1.2 )


Données objectives

Dans les techniques de neuroimagerie, les potentiels évoqués (PE) mesurent l’activité cérébrale électrique, suite à la présentation répétée d’un stimulus. Les potentiels évoqués se composent de variations de potentiel au cours du temps, qui peuvent être associées à des processus de traitement de l’information. Jonhnston et al. (1986) ont observé une augmentation de l’amplitude d’une composante positive, survenant 300 à 400 ms suite à la présentation d’une image chargée émotionnellement, par rapport à une image neutre. Cette onde particulière, nommée P300, est reconnue comme un indice privilégié dans la recherche de processus attentionnels, et est sensible à la valence émotionnelle. Les potentiels évoqués apparaissent alors comme des indicateurs pertinents pour connaître les composantes cognitives de l’expérience émotionnelle.







3.1.2.Mesures physiologiques


Nous avons vu précédemment que tous les processus mis en jeu lors d’une connotation affective reposent sur un même socle : le corps. Il est aujourd’hui reconnu que les changements physiologiques occupent une place importante lors d’expériences émotionnelles. Il est aussi acquis que le système nerveux sympathique engendre des modifications végétatives, musculaires et hormonales lors d’une émotion. C’est la raison pour laquelle nous nous intéressons aux changements physiologiques pour créer un module de reconnaissance émotionnelle.

A l’heure actuelle, on pense que les patrons de réponses autonomes sous-tendant l’activation émotionnelle font partie des constantes des processus émotionnels. Les mesures de volume sanguin, rythme cardiaque, activité électrodermale et fréquence respiratoire sont couramment utilisées dans les paradigmes de recherche pour caractériser les deux composantes d’une émotion, la valence et l’intensité (Lang et al., 1993).


L’activité électrodermale (AED) et activation émotionnelle

L’activité électrodermale (AED) correspond aux variations électriques de la peau liées au fonctionnement des glandes sudoripares. Elle est composée du niveau électrodermal (NED) qui correspond aux fluctuations électriques de base et de la réponse électrodermale (RED) (voir figure 9).


Figure 9 : tracé obtenu suite à l’enregistrement de la RED.


Suite à une stimulation, la réponse électrodermale apparaît après une certaine latence (l) et avec une certaine amplitude (A). (Slosse, 2002).





Cette réponse de la conductance de la peau est le phénomène pendant lequel la peau devient momentanément un meilleur conducteur d’électricité quand des stimulus externes ou internes interviennent, qui sont des «éveils  physiologiques ». « Éveil » est un terme faisant référence à toute activation15 et est largement considéré comme l’une des deux principales dimensions de la réponse émotionnelle16. La mesure de l’éveil n’est donc pas la même chose que mesurer une émotion mais c’est une composante importante.


La réponse électrodermale est l’une des mesures physiologiques non invasives les plus robustes concernant l’activité du système nerveux autonome (Cacioppo, 1990). C’est l’un des nombreux signaux inclus couramment, par exemple, dans le test de détection de mensonges.

Est présenté ci dessous un capteur utilisé pour mesurer la réponse électrodermale (voir figure 10).


Figue 10 : capteur de la RED

(tiré du site : http://affect.media.mit.edu/AC_research/sensing.html ).



Cependant, la conductance de la peau est sensible à de nombreux stimulus. De fait, il est souvent difficile de déterminer la cause de cette réponse électrodermale particulière. Par exemple, les niveaux d’éveil ont tendance à être faibles quand une personne dort, et élevés dans des états activés (comme la rage) ou pendant une charge de travail mentale. Ainsi, de nombreux stimulus peuvent augmenter la conductance de la peau (émotion forte, événement surprenant, douleur, exercices, respiration profonde…).



Fréquence cardiaque et valence émotionnelle

L’activité cardiaque correspond aux variations électriques crées par les contractions du muscle du c½ur, le myocarde. L’électrocardiogramme (ECG) enregistre les microcourants de surface par des électrodes et permet alors de visionner le rythme cardiaque (voir figure 11).


Figure 11 : Tracé obtenu suite à l’enregistrement du rythme cardiaque

( Slosse, 2002).


La fréquence cardiaque est un indicateur valable pour le niveau d’activation générale. Par exemple, une tachycardie survient au cours d’une activité physique, d’une activité sexuelle ou d’un effort mental (Frijda, 1986), tandis qu’une bradycardie est généralement associée à un état relaxé (Frijda, 1986). Les changements cardiovasculaires induisent donc des changements de tonus nécessaires pour la préparation à l’action et reflètent vraisemblablement les expériences émotionnelles.


Particulièrement, Winton (1984) s’est intéressé à la relation entre valence et réponses physiologiques du rythme cardiaque. Son expérience est la suivante : après avoir sélectionné cinq catégories d’images connotées émotionnellement, il mesure le rythme cardiaque de plusieurs sujets. En se basant sur le SAM (Lang et al., 1997), il découvre que la valence émotionnelle est prédite par la fréquence cardiaque. Les catégories déplaisantes sont caractérisées par un rythme plus bas que les autres catégories, tandis que les images plaisantes induisent une augmentation du rythme (voir figure 12).


Figure 12 : variation de la fréquence cardiaque en fonction de la valence des stimulus

(d’après Kirsh, 1997).


De fait, en visionnant le rythme cardiaque d’une personne à qui on présente diverses images, l’observateur peut déterminer la valence du stimulus. Qui plus est, même si la valence varie, l’observateur peut différencier une personne qui aura aimé l’expérience d’une autre qui n’aura pas la même opinion. Ces résultats robustes, repris par d’autres chercheurs (Lang, 1993; Palomba, 1997), ont par conséquent une application directe dans l’interaction homme machine.


La pression sanguine volumique

Selon l’action à effectuer, le système nerveux sympathique – responsable entre autres de l’activité vasomotrice – va réagir en conséquence. Cette activité, jouant sur le diamètre des vaisseaux sanguins, entraîne alors une variation de débit sanguin. Par conséquent, la mesure de la pression artérielle peut informer sur les changements de l’activation sympathique. C’est pour cette raison qu’elle est prise en compte lors de l’étude de l’influence du contexte émotionnel dans l’interaction homme machine.


Pour mesurer la pression artérielle, un capteur périphérique (voir figure 13), placé au niveau de la pulpe des doigts, est utilisé.


Figure 13 : capteur de la pression sanguine périphérique

(tiré du site : http://affect.media.mit.edu/AC_research/sensing.html ).



Son principe de fonctionnement repose sur la technique de photopléthysmographie. Cette dernière consiste à appliquer une source lumineuse et à mesurer la lumière reflétée par la peau. A chaque contraction cardiaque, le sang afflue vers les vaisseaux périphériques, produisant un engorgement de ces derniers sous la lumière source, modifiant alors la quantité de lumière détectée par le photorécepteur. On peut alors enregistrer la pression volumique des vaisseaux sanguins. La mesure du débit sanguin dépend donc intrinsèquement de la fréquence cardiaque et donne donc un complément d’information.


La fréquence respiratoire

Le rythme de la respiration fait partie des paramètres vitaux et correspond au nombre de soulèvements du sternum pour un monitorage thoracique ou du diaphragme pour un monitorage diaphragmatique. Elle peut être mesurée grâce à une ceinture thoracique (voir figure 14).


Figure 14 : capteur de la respiration

(tiré du site : http://affect.media.mit.edu/AC_research/sensing.html ).


Il existe des centres de contrôle de la respiration au niveau du tronc cérébral, du cortex, et aussi au niveau du système limbique et de l’hypothalamus, siège des émotions. En effet, Le repos et la relaxation amènent à une respiration plus lente et plus superficielle (Frijda, 1986). Des excitations émotionnelles et des activités physiques engendrent des respirations plus profondes. Un état de stress sera donc décelable par une respiration fréquente ; cependant, des agents stresseurs ponctuels, comme le sursaut, provoque une arrêt momentané de la respiration (Frijda, 1986).



Activité électromyographique

L’activité électromyographique résulte de l’activité électrique produite par les cellules contractiles des muscles. Cette mesure est à prendre en compte pour déterminer l’état émotionnel du sujet car Cacioppo (1990) a notamment montré que l’activité musculaire augmente durant le stress. Dans un état de stress mental, il y aurait une contraction involontaire des muscles, même si aucune activité physique est requise(Davis et al., 1988).


Un capteur miniaturisé (voir figure 15) a été mis au point pour faciliter les mesures dans la perspective de l’Affective Computing.


Figure 15 : capteur de l’activité électromyographique

(tiré du site : http://affect.media.mit.edu/AC_research/sensing.html )









3.1.3.Mesures comportementales


Les expressions émotionnelles sont l’ensemble des traits comportementaux par lesquels se révèle l’émotion, tel que le sourire, les pleurs, les mimiques faciales ou l’intonation de la voix. Leur principale fonction est de générer un langage détectable par les autres individus. L’étude de toutes ces composantes – la voix, les patterns faciaux – a une utilité dans le domaine de l’interaction sociale et de l’homme machine, comme permettre une animation faciale des robots « humanoïdes ».

Les expressions faciales

Les visages constituent une catégorie de stimulus unique par la richesse des informations qu’ils véhiculent (Young, 1997). Ils sont d’une part les vecteurs visuels principaux de l’identité individuelle et d’autre part, des vecteurs essentiels de communication (verbale et non verbale), d’intentions et d’émotions entre individus, via, en particulier, la direction du regard et les expressions faciales. Sur le plan perceptif, la reconnaissance des visages constitue une des capacités les plus étonnantes et les plus performantes du système visuel humain. En effet, l’être humain est capable de discriminer et de reconnaître un très grand nombre de visages, alors même que les visages constituent une catégorie de stimulus homogènes, partagent un ensemble de traits similaires et une structure commune, et peuvent subir d’importants changements avec l’âge par exemple, ou encore selon l’expression faciale (Bruyer, 1983). Du point de vue ontogénétique17, ces expressions sont observées dès le plus jeune âge et font l’objet d’une socialisation. La discrimination des expressions faciales se fait très jeune chez l’homme, autour du premier mois de la vie, et sont utilisées dans les jeux sociaux. (Kirouac, 1985).


L’être humain est aussi particulièrement doué pour reconnaître les émotions associées à des expressions faciales. Il peut donc communiquer avec d’autres personnes présentes d’une façon beaucoup plus rapide qu’avec le langage. Ceci lui permet entre autres de donner aux personnes de son entourage des feed-back sur leurs actions, pour qu’elles puissent savoir de quelle façon celles-ci sont perçues, et ainsi de modifier si nécessaire leur projet d’origine.

Ekman et al. (1989) ont montré que chaque culture possède des règles spécifiques (dispay rules) qui dictent l’expression en fonction des circonstances. Ainsi, on peut générer des mimétiques d’émotions sans pour autant les ressentir. Mais l’expression faciale délibérée se distingue des émotions faciales spontanées par la séquence temporelle des unités musculaires mises en ½uvre et le degré d’asymétrie faciale.


Il existe deux méthodes pour mesurer l’expression faciale. La première est la technique électromyographique. Cette méthode consiste en la mesure directe de l’activité électrique des muscles faciaux par électrodes appliquées dans les sites appropriés sur la surface cutanée. Cette technique donne accès aux modifications latentes de l’activité faciale non visible pour l’observateur. Ces modifications se manifestent en correspondance avec l’imagerie mentale émotionnelle.


La seconde est la méthode de FACS (Ekman & Friesen, 1978) - « Facial Action Coding System ». Elle permet la codification standardisée de toutes les unités d’actions visibles sur un visage photographié ou filmé. En effet, elle a été :

• Initialement conçue pour décrire les actions faciales et non l’animation.

• Le système décrit les actions faciales les plus basiques et leur effet sur les expressions.

• Toutes les actions des muscles faciaux pouvant être contrôlées indépendamment sont inclues.

• Un jeu de toutes les unités d’action possibles de base pouvent être reproduites par un humain et être visible.

• Exemples : baisser les paupières, bouger les lèvres, …


Par ailleurs, l’expression des émotions commence par les mouvements des muscles faciaux qui se produisent quelques millièmes de seconde à peine après l’évènement déclenchant (Ekman et al., 1978). Et les changements physiologiques caractéristiques d’une émotion donnée - par exemple, l’afflux du sang au visage ou l’accélération du rythme cardiaque - se produisent également en une fraction de seconde. La réaction est particulièrement rapide dans le cas d’émotions intenses, comme la peur due à une menace soudaine.



Prosodie

Les premières études empiriques relatives à la communication émotionnelle vocale remontent au début du XXème siècle. La recherche dans ce domaine a connu un développement considérable surtout ces quatre dernières décennies notamment dans les domaines de la psychologie de l’émotion, la linguistique et les technologies de la parole


Aujourd’hui, des hypothèses fortes de la psychologie cognitive et de la neuropsychologie donnent aux émotions un statut central : traiter les émotions dans l’interaction verbale homme machine n’ajoute pas seulement de la naturalité, mais peut faciliter l’efficacité même de la communication. Un survol rapide de la parole émotionnelle montre que la prosodie18 est le vecteur privilégié des émotions dans la parole (Banziger et al., 2001). En la situant comme un agent intégratif des principales fonctions du système communicatif, elle est le siège de l’expression directe des émotions, du codage des attitudes et des stratégies expressives pour un même matériel acoustique.


De nombreuses recherches ont été consacrées à l'étude de la reconnaissance des émotions communiquées par la voix. Par exemple, Scherer (1989) a montré que les émotions sont très bien identifiées par des auditeurs chargés de choisir, parmi un ensemble de termes émotionnels, celui qui décrit le mieux l'émotion exprimée par un acteur. Le pourcentage de reconnaissance correcte moyen est d'environ 60%, soit un taux non aléatoire. Dans une revue plus récente, Scherer, Banse et Wallbott (2001) rapportent un pourcentage moyen de reconnaissance correcte de 62% pour onze études effectuées dans différents pays occidentaux. Les taux de reconnaissance correcte varient en fonction de l'émotion exprimée et sont remarquablement constants d'une étude à l'autre. Par exemple, les expressions de tristesse et de colère sont en général mieux reconnues que les expressions de peur ou de joie, et celle du dégoût toujours moins bien identifiée.


D’autres recherches (Scherer, 1977) indiquent clairement qu’il est tout à fait possible, à partir de modifications de quelques paramètres acoustiques relativement simples, de simuler différentes prosodies. Elles sont alors suffisamment bien identifiées pour être utilisées dans d’autres domaines, comme l’imagerie cérébrale par exemple. L’utilisation de telles techniques – permettant d’une part de contrôler précisément les différences acoustiques entre les stimulus et d’autre part de mettre en relation ces modifications acoustiques avec des jugements effectués par des sujets – pourrait donner lieu à de nouvelles perspectives (cf. partie 3.3.1).


Cependant, il faut noter que les profils spécifiques établis pour chaque émotion étudiée sont rarement reproduits d'une étude à l'autre. Globalement, le consensus semble se limiter au degré d'activation associé à l'état émotionnel exprimé. Il est plus important que jamais de trouver un accord sur les mesures qu'il convient de réaliser afin de représenter adéquatement l'encodage de l'émotion dans la voix. Les paramètres mesurés reflèteraient essentiellement la dimension d'activation émotionnelle et l'utilisation d'autres paramètres – mieux choisis - permettrait une meilleure différenciation des différents états émotionnels sur le plan acoustique. Afin d'évaluer la capacité des mesures choisies à réaliser cette différenciation, il est nécessaire que les mêmes mesures soient appliquées à de grands/nombreux corpus de parole émotionnelle.





Conclusion : Il est ainsi aujourd’hui possible de détecter et de mesurer les différentes manifestations ayant attrait à l’apparition d’une émotion. Cette détection n’est certes pas parfaite, nous sommes encore loin de pouvoir déterminer concrètement les manifestations sous-jacentes à un type d’émotion donné. Du fait d’une part de la complexité des signaux et d’autre part de l’extrême variabilité intra et inter individuelle, il n’existe pas encore de modèle définitif des émotions, et diverses études ont associé le recueil de plusieurs données (cf. partie 3.3.2) pour améliorer ce modèle. Toutefois, le module de reconnaissance prend en compte ces données parcellaires dans le but de rendre compte au mieux de l’état émotionnel du sujet. De fait, une fois que la machine a traduit les signaux de l’utilisateur en émotions, le système les enregistre, mais que faire de ce stock d’informations ? L’ordinateur va alors les intégrer dans un second module – dit « module de compréhension affective » - que nous allons détailler dans la partie suivante.




3.2.Module de compréhension affective


Le module de compréhension va utiliser et stocker les informations relatives à l’état émotionnel du sujet, dans le but de construire idéalement un modèle de la vie émotionnelle de l’utilisateur, pour le communiquer aux autres modules présents dans le système.

Mais comment les ordinateurs se représentent-ils les émotions ? Un modèle possible est le modèle de Markov (Hidden Markov Model, HMM). L’idée de base est la suivante : vous êtes dans un certain état à l’instant t et vous pouvez fluctuer entre divers états selon une certaine probabilité. Par exemple, la probabilité de passer de la colère à la rage sera plus grande que celle de la colère à la tristesse (voir figure 16).


Figure 16 : Digramme du modèle de Markov pour les états affectifs

(tiré du site : http://affect.media.mit.edu/AC_research/recognizing.html)



Les entrées de ce modèle sont des observations, comme les changements de rythme cardiaque. Les sorties peuvent être l’état dans lequel la personne se trouve le plus souvent ou il peut être identifié par une configuration propre au système, qui reconnaît alors les patterns d’un comportement émotionnel.

Finalement, il y aurait une famille de configurations, chacune correspondant à un comportement émotionnel propre ou aux caractéristiques individuelles d’un comportement donné. Dans d’autres cas, les états définis par le système ne correspondraient pas à une émotion pure mais plutôt à des blocs fondamentaux.


Les caractéristiques de ce module sont les suivantes :





Ce module peut par exemple décider d’ouvrir une application, mettant à disposition de nouvelles informations dans le but d’aider l’utilisateur suite à l’apparition d’une frustration ; ou il peut ouvrir une application diffusant de la musique entraînante quand le sujet se sent déprimé ; ou il peut encore ouvrir une application permettant de discuter avec l’utilisateur quand ce dernier se sent seul.


Le système doit être constamment sensible aux variations d’humeur de l’utilisateur pour privilégier la meilleure adaptation possible. Le système devrait prendre en compte les indications relatives à un niveau de satisfaction, c’est-à-dire si l’utilisateur a préalablement été satisfait des réactions de la machine.


Par exemple, éviter de rentrer en communication avec ce dernier lorsqu’il est agité ou ne diffuser de la nouvelle musique qu’après un certain laps de temps.



En effet, plus le système a à disposition des informations sur l’environnement, plus l’interaction sera effective et bénéfique pour l’utilisateur. Par exemple, le système sera à même de mieux communiquer avec l’utilisateur sachant que ce dernier n’a pas dormi depuis plusieurs jours.


Le système a enregistré certaines données concernant la vie de l’utilisateur ainsi que des informations confidentielles, et le système doit être doté de mesures de sécurité pour éviter la divulgation de la vie privée de l’utilisateur.



3.3.Applications


Picard (1999) suggère que nous devrions donner aux ordinateurs la capacité de reconnaître et d’exprimer des émotions, afin de :


Comme le montre la liste non exhaustive suivante, la prise en compte des émotions peut s’appliquer dans de nombreux domaines, comme la communication, le divertissement, l’éducation ou tout simplement pour améliorer la vie quotidienne. Voici quelques applications récentes ou en cours de développement.


3.3.1.Pour une meilleure diffusion affective

Applications spécifiques

Étude de la prosodie

Le domaine du service, spécialement l'accès télécommandé à l'information, le paiement automatique par carte de crédit et la consultation bancaire par téléphone, en est un bon exemple d’application de l’étude de la prosodie. Ils requièrent de plus en plus de moyens fiables pour assurer toute sécurité et limiter l'accès aux utilisateurs autorisés uniquement. Cependant, la performance et l'acceptation de tels systèmes restent bien en-deça des attentes. Ces problèmes sont partiellement dus au fait que beaucoup d'ingénieurs de la parole ou de scientifiques ont négligé, ou tout au moins sous-estimé, les effets puissants des variations transitoires de l'état émotionnel du locuteur sur ses productions vocales.


En outre, comme il est actuellement tenu pour acquis qu’un grand nombre de troubles émotionnels ou de pathologies ont des retentissements sur les paramètres acoustiques de la voix, un instrument capable de décoder les émotions via la prosodie pourrait constituer un outil de diagnostic pour la psychologie clinique (Ellgrings, 1996). Contrairement aux mots, les caractéristiques vocales échappent aux distorsions, parfois introduites en fonction d’une désirabilité sociale ou d’une volonté de présentation de soi positive.


Le Galvactivator (Picard & Scheirer, 2001)

C’est un gant portable (voir figure 17) qui mesure le niveau de conductance de la peau et traduit les valeurs en une intensité lumineuse via une LED. L’augmentation de la conductance tend à être un bon indicateur de l’activation physiologique, ce qui a pour effet d’augmenter la brillance du gant. Comme la LED apparaît sur le dos de la main, cela permet de facilement communiquer l’activité électrodermale du porteur à son entourage. Le changement d’intensité de la lumière peut facilement être interprété par des enfants ou des adultes.


Figure 17 : Le galvactivator
( Picard et al., 2001).



Ce principe facilite donc l’étude de la réponse électrodermale dans la vie de tous les jours. Cette nouvelle forme de mesure libère le sujet du traditionnel équipement, il n’a pas besoin d’être relié à un ordinateur et à un clavier. La seule contrainte est que le gant ne peut pas être utilisé sous l’eau. L’utilisateur est libre de cacher ce signal ou de le montrer à son entourage. Les inventeurs de ce gant pensent qu’il est important que le porteur garde le contrôle sur la communication de ce signal.


Le fonctionnement de ce gant repose sur un petit circuit électronique qui amplifie le signal électrodermal. Ce dispositif est assez sensible pour différencier les composantes toniques et phasiques du signal. Cependant, ce système n’a pas été conçu pour analyser en détail les changements de conductance, mais pour facilement observer la variation grossière des changements de patterns pour le porteur et pour ceux qui communiquent avec lui.


Une étude à grande échelle a été menée sur 1200 personnes. Pour explorer le potentiel de communication de ce système, on a collecté et analysé les niveaux de brillance émis via une caméra filmant les sujets. Il a été montré que la brillance a tendance à augmenter aux débuts de présentations et pendant des sessions d’interactions, et à diminuer pendant le discours d’une personne (voir figure 18).



Figure 18 : variation de l’intensité lumineuse en fonction de situations

(Picard et al., 2001)



Concernant les applications possibles de ce dispositif, elles sont multiples. Premièrement dans le divertissement : imaginez un stade rempli de supporters dont leurs lumières brillent quand monte l’excitation du jeu, le plaisir n’en serait qu’amplifié. On peut aussi l’utiliser dans un public plus restreint, comme dans une classe. La brillance diminue lors d’une tâche de lecture et augmente lors de la rédaction d’un sujet choisi par les étudiants, ce qui les éclaire sur leur style d’étude personnelle et sur ce qui les engage le plus. Dans le cadre de la communication non verbale, ce dispositif influe ensuite le cours d’une conversation entre deux personnes. Par ailleurs, la lecture informatique de ce signal montre que la RED augmente avec la colère et la frustration19. Combinée à la détection d’autres signaux, elle interviendrait alors directement dans l’interaction homme machine (Scheirer et al , 2002). Cela aurait aussi une application dans le domaine clinique avec les enfants autistes, sachant que les toucher ou les serrer aurait tendance à les calmer et à ramener la conductance de la peau à un niveau de base. La RED a aussi tendance à augmenter avec la douleur et le stress, suggérant une utilité thérapeutique.


Ainsi, l’AED est liée à la dimension d’activation de l’émotion et la lecture de ce signal peut être utilisée pour connaître ses propres réponses corporelles dans une multitude de situations d’interactions - avec un ordinateur, en lisant un livre, en engageant la conversion avec d’autres personnes…


Applications intégrées

En s’appuyant sur une mesure combinée de ces diverses manifestations, on peut alors discriminer plus finement les composantes, voire le type d’émotion ressentie, c’est-à-dire déterminer un patron de réaction physiologique propre à chaque type d’émotions exprimées. Voici quelques exemples d’applications combinant plusieurs indices physiologiques.

The Emotion Mouse (Ark et al, 1999)

Cette étude fait suite à celle de la Sentic Mouse (Kirsch, 1997), dans laquelle la valence émotionnelle d’un sujet est mesurée par une simple pression de son index sur une souris suite à une induction émotionnelle. Il existe alors une corrélation entre les réponses cardiaques et électrodermales, détectées par la souris, et l’information subjective ressentie par les sujets.


Basée sur le même principe de recueil de données, l’étude de Ark et al.(1999) a mesuré, via l’Emotion mouse (voir figure 19), quatre indices physiologiques (le rythme cardiaque, la température, l’AED et l’activité somatique générale20) lors de six émotions (colère, dégoût, peur, joie, tristesse et surprise). Les mesures physiologiques sont alors corrélées aux émotions dans la mesure où deux-tiers des émotions ressenties sont correctement prédites par les indices physiologiques recueillis.

Figure 19 : The Emotion Mouse
(Ark et al., 1999).


Les auteurs suggèrent20qu’il faille dorénavant améliorer le matériel, maintenant que la méthode a été prouvée, en utilisant des unités plus petites et moins intrusives. Le détecteur du rythme cardiaque pourrait être par exemple placé à l’intérieur de la souris.


“The smile Detector”

Cette application a pour but de détecter en temps réel le sourire, en tenant compte de plusieurs composantes tel la contraction des muscles zygomatiques, le plissement des yeux ou le froncement de sourcils. Ce détecteur de sourire, couplé à d’autres détecteurs (comme le hochement de tête), pourrait permettre ainsi une mesure de la valence émotionnelle. Par ailleurs, il pourrait être utilisé dans des logiciels affectifs pour exprimer l’état émotionnel de l’utilisateur.


3.3.2.Pour une communication plus facile

Bijoux et accessoires affectifs

Les bijoux et autres vêtements sont munis de sondes pour détecter les changements physiologiques qui sont associés aux émotions, afin de mieux connaître et faire connaître ses émotions dans la vie quotidienne. Ce sont les « affectifs wearables ».

Quotient Social Affectif (ASQ)

Ce projet vise à aider les enfants autistes à prendre conscience de signaux socio-émotifs. Il se compose des vidéos numériques courtes qui présentent une émotion parmi plusieurs (joie, tristesse, surprise, et colère) et d'un ensemble de "poupées" liées par infrarouge au système, permettant de savoir quelles sont les émotions ressenties lors du visionnage.

« Les lunettes d’expression » (Scheirer, 1999)

C’est un dispositif portable, sous forme de lunettes, qui détecte les expressions faciales de l’utilisateur en mesurant la contraction de certains muscles (comme le corrugateur et le frontalis) et affiche un certain état émotionnel sous forme de couleur. Il permet à l’entourage de visualiser les niveaux de confusion (en rouge) et d'intérêt (en vert) du porteur (voir figure 20).

Figure 20 : Les lunettes d’expression

(Scheirer, 1999).

Interfaces d'humeur

Ce projet explore les interfaces graphiques dans lesquelles les signaux physiologiques conduisent à leur visualisation, permettant à des utilisateurs et à leurs correspondants de s'engager dans un dialogue assisté par ordinateur, en gardant une représentation graphique des expressions de leur état actuel physique/émotionnel.



3.3.3.Pour réduire la frustration 

CASPER (Computer-Aided Support for Personal Emotion Regulation)

Créé par Klein (1996), c’est une interface capable de détecter et de répondre de façon appropriée à l’état émotionnel du sujet. Elle se base sur les stratégies d’écoute active, d’empathie et de sympathie. Son efficacité a été évaluée et les résultats comportementaux ont montré que l'agent était sensiblement plus efficace que les conditions contrôles.

« Valeurs matérielles affectives » 

Les gens expriment naturellement la frustration par l'utilisation de leurs habiletés motrices. Le but de ce projet est de développer des objets matériels qui peuvent être saisis, serrés, jetés ou autrement manipulés par l'intermédiaire d'un affichage naturel de l’affect. Les valeurs matérielles courantes incluent une souris de compression ou encore une poupée vaudou qui peut être secouée pour exprimer la frustration.

Le compagnon d ‘apprentissage

D’autres applications tentent de réduire la frustration tout en ayant un but pédagogique, comme le compagnon d’apprentissage. C’est un agent qui prend en compte les états affectifs comme l'ennui, l'inquiétude, et l'engagement, et ajuste ses réponses en accord avec l'état de l'utilisateur. Ceci aurait comme but d’apprendre des situations où l'agent agit en tant que mentor, soutenant de temps en temps autrement l'utilisateur dans son exploration automotrice. Cela présente également un moyen de se renseigner sur le rôle des émotions humaines exprimées pendant une situation d'étude.


3.3.4.Pour développer les habilités socio-émotionnelles par le jeu

AffQuake

Le système AffQuake est une tentative d'incorporer les signaux traduisant l’affect d’un joueur dans un logiciel de jeu vidéo de façon à changer le cours du jeu. Ce système prend en compte les états de « sursaut » de l’utilisateur pour influer sur les représentations des personnages. Le niveau de conductivité de la peau influe notamment sur la taille des personnages (quand ce niveau est élevé, la taille des personnages augmente)

Le tigre Affectif

C’est un jouet expressif réactif. Le tigre réagit avec un individu par un affichage d'émotions, basé sur sa perception de l'humeur de jeu.



3.3.5.Pour faciliter l’utilisation d’interfaces basées sur l’agent


Actuellement, les logiciels deviennent de plus en plus puissants et leurs interfaces plus complexes. Les logiciels changent la façon dont nous interagissons avec les ordinateurs, et il faut créer de nouvelles interfaces supportant les applications de tels logiciels. Un nouveau paradigme d’ « interface sociale » a alors émergé tenant compte du graphisme de l’interface – dite « interface basée sur l’agent21 » – afin d’aider l’utilisateur dans les tâches informatiques, voire de rendre l’interaction homme machine meilleure. On peut alors se demander quelle serait la métaphore la plus appropriée pour ces logiciels agents.


Pour expliquer ce point, nous nous baserons sur un exemple, le joueur de poker, que nous présenterons lors de la soutenance (interface disponible sur Internet : http: //wombat.media.mit.edu:81/epoker/consent.html)


Koda (1996) se penche sur les effets de la personnification d’un agent, en utilisant l’environnement du jeu de poker et étudie la conception de la représentation de l’agent jouant à ce jeu.


La façon dont les joueurs de poker se comportent présente deux aspects. Premièrement, ils se concentrent principalement sur leur main et sur le nombre de cartes distribuées, dénotant un calcul de probabilités mathématiques. Deuxièmement, ils jouent avec des personnes qu’ils connaissent, ont une idée de leur style de jeu et utilisent cette information pour élaborer de meilleures stratégies, ce qui révèle un versant psychologique. Ils se servent des émotions que véhiculent les autres joueurs, via les expressions faciales, pour adopter de nouvelles tactiques de jeu.


Cette étude a pour but de connaître les effets d’une interface modélisée par un visage ; de savoir quelles caractéristiques rendent l’agent plus intelligent ; et les conséquences de l’utilisation d’expressions faciales.

Procédure de jeu

Le sujet, après avoir pris connaissance des règles du poker, joue à ce jeu, via une interface sur Internet, contre trois agents personnifiés. Après un quart d’heure, le sujet doit remplir un questionnaire sur l’impression générale du jeu.

Graphisme de l’interface

L’interface de jeu se présente de la façon suivante (voir figure 21).


Figure 21 : Interface du jeu de poker

(Koda, 1996).



L’agent a sept représentations graphiques : un visage humain réaliste, un visage humain caricatural, un visage de chien caricatural, un smiley et un homme invisible, qui n’a pas de visage (voir figure 22).


Figure 22 : Les représentations graphiques des agents joueurs de poker

(Koda,1996).


Chaque agent possède dix expressions faciales : neutre, content, mécontent, satisfait, contrarié, surpris, soulagé, excité, anxieux et très excité (voir figure 23).


Figure 23 : Les dix expressions faciales du visage caricatural de femme

(d’après Koda, 1996).



Les expressions sont dérivées du modèle des émotions de Ortony, Clore et Collins (modèle OCC, 1988) qui postule que les émotions sont le résultat de réactions positives ou négatives, suite à une situation donnée. Ce modèle propose divers états émotionnels dépendant de la valence de la situation. Appliqué au jeu de poker, il permet alors de prédire certaines émotions selon la situation de départ (voir figure 24).


Figure 24 : Les émotions types pour le jeu de poker selon le modèle OCC.

(d’après Koda, 1996).


Cette interface, dont l’application est sous Java22, permet de changer la situation toutes les secondes, c’est-à-dire que l’utilisateur voit les opposants agir chaque seconde.

L’étude montre premièrement que la personnification de l’agent rend l’environnement de jeu plus agréable et attirant. Les sujets ne sont pas distraits par sa présence. Ils tentent d’interpréter les expressions faciales, ce qui les impliquent plus dans le jeu. Les visages sont clairement utiles dans le domaine du divertissement, dès lors que l’engagement est essentiel pour les jeux et qu’il est notamment profitable pour l’apprentissage. Les impressions des sujets sont deuxièmement différentes selon qu’ils interagissent ou non avec l’agent. L'appréciation d’un visage ne se base pas sur son apparence mais sur ses compétences. En effet, les sujets évaluent différemment l’intelligence et la « sympathie » des agents avant et après le jeu. Cela engage qu’il faudrait étudier plus en détail le contexte des applications des agents. Bien sur, ces derniers ne nécessitent pas tous une personnification et le domaine de l’interaction homme machine devrait définir les conditions où une telle personnification serait appropriée.


3.3.6.Conclusion


Nous avons précédemment vu que les émotions influent les capacités cognitives. Elles les améliorent, permettant alors l’adaptation, ou les amenuisent, ce qui a alors un effet désadaptatif. Par exemple, un moindre stress peut augmenter les capacités mnésiques, mais nous paralyse lorsqu’il est important. De fait, les applications de l’Affective Computing peuvent apporter une aide, comme une prise de conscience de ces états émotionnels et par leur régulation, ou en proposant des alternatives pour pallier à ces variations. Les ordinateurs, en agissant sur notre système motivationnel affectif, peuvent rendre ce dernier optimal pour la tâche à effectuer.

Décision de la machine

La machine pourra limiter les actions de l'utilisateur lors d'une tâche, afin que celui-ci se concentre et favorise son attention. C'est dans cette optique que Healey et Picard (1999) ont développé un système de détection et d'enregistrement des émotions dues au stress chez un conducteur. Par la prise en compte de ces émotions, le système peut influer sur les tâches réalisées par le conducteur. L’aide s’effectuerait sur des sous-systèmes qui ne sont pas nécessaires à la conduite (sélection de musique, utilisation de téléphone portable et utilisation des outils du tableau de bord). Ces sous-systèmes peuvent en effet devenir des distracteurs qui, dans certaines conditions, peuvent amener à l'accident. Un tel système améliorerait alors la sécurité. Un ordinateur de bord peut également donner, s'il a connaissance du contexte routier, des consignes de sécurité. Ce dernier point peut être sujet à controverses car il pourrait augmenter la frustration du conducteur et l’inciter involontairement à la faute.


L’action conjointe

Dans une autre mesure, nous concevons que l'homme et la machine n'agissent pas séparément. L'homme décide des actions qu'il va effectuer et la machine joue le rôle d'un artefact. Cette dernière va lui donner les moyens de réaliser l'action choisie et ce même si l’individu n'en a pas pleinement conscience. La machine, détectant nos émotions, pourra alors concevoir les interactions possibles avec l'utilisateur, dans une situation donnée ou dans un plus large contexte. Elle pourra alors anticiper l'action de l'utilisateur, agissant comme un système de lecture des pensées. C’est pour cette raison que l'utilisateur devra confirmer la finalisation de l'action. Cette anticipation permettra à la machine de réduire ses fautes de jugement et améliorera également le temps d'exécution de son programme car la préparation sera déjà amorcée. Si nous reprenons l’exemple de la voiture, l'ordinateur pourrait détecter l'intention de dépasser une voiture et donc la préparer à accélérer, afin d’augmenter la sécurité du conducteur et des autres usagés. Elle peut par ailleurs conseiller le conducteur sur les consignes de sécurité, voire même sur les dangers présents au moment de la man½uvre.


Ainsi, la machine, via l'analyse de l'état affectif et du contexte, peut permettre l'amélioration des capacités cognitives de l'homme, et peut également prendre le rôle d'un conseiller. Selon l'hypothèse que les états affectifs préparent l'individu à l'action, la machine peut alors elle-même se préparer à effectuer une action potentielle, ce qui permettrait d'accroître son efficacité (notamment temporelle).


4.discussion et directions futures


L’Affective Computing, dont l’un des domaines de recherche privilégiés est la communication affective, reste encore peu exploité à ce jour. Cet axe de recherche se divise plus particulièrement en sous parties, à savoir :


Ce domaine a permis de soulever de nombreuses questions mais peu de réponses ont été données : en quoi les ordinateurs, en intégrant des valeurs affectives, peuvent par exemple, améliorer la communication sur Internet ? Quel rôle peuvent-ils jouer dans la gestion de la frustration ? C’est ce dont nous allons discuter dans cette partie.


4.1.Limites de la reconnaissance et de l’intégration


Il est acquis que les émotions sont un phénomène extrêmement complexe et que nous ne pourrons déterminer précisément l’origine d’une émotion ainsi que son fonctionnement exact. Certes, il est actuellement possible de déterminer certains types d’émotions mais certaines limites se posent. Ce système serait-il véritablement fiable ?

4.1.1.Théorie du transfert de l’excitation (Zillmann, 1971)

Exprimer une émotion provoque un état d’activation physiologique et Zillmann (1971) a montré que cette activation ne se termine pas spontanément avec la fin de l’émotion. Ce qui a pour conséquence que l’expression d’une seconde émotion, survenant lors du déclin de l’activation physiologique de la première, verra l’intensité de son activation augmenter. Dans ce cas, nous pourrions donner une mauvaise interprétation de l’activation de la seconde émotion.

4.1.2.Rôle de la connaissance

Schachter et al. (1962) ont montré  qu’il est possible de modifier cognitivement les réactions émotionnelles. Il est donc normal de se poser la question de l’effet que pourrait avoir le fait que les personnes soient ou non au courant qu’on est en train d’évaluer leur état émotionnel.

4.1.3.Rôle du contexte

Comme expliqué précédemment, une des manifestations des émotions est une activation physiologique mais il faut garder en mémoire qu’une activation physiologique n’est pas forcément induite par une émotion. Si l’on se lève brutalement ou si l’on se met à courir, il ne faudrait pas interpréter l’activation physiologique comme le fait d’une activation émotionnelle. Lors de l’analyse de l’activité physiologique, il devrait donc être nécessaire de prendre en compte le contexte. Nous pourrions ainsi différentier l’activation physiologique résultante d’une émotion de celle provoquée par une autre cause.


Par ailleurs, les études ont été réalisées dans des conditions de laboratoire et ne prennent pas en compte les aléas de la vie, c’est-à-dire tous les facteurs pouvant jouer intrinsèquement sur le comportement et l’état émotionnel du sujet. Certaines interfaces tentent certes de prendre en compte le maximum d’informations provenant de l’environnement, bien que cela se fasse par l’intermédiaire de l’homme, et que, de ce fait, les données sont peut-être moins objectives qu’elles n’y paraissent, l’individu ayant à la base des biais perceptifs et émotionnels, minimisant ou amplifiant certains événements.

4.1.4.Fiabilité du système

Un ordinateur capable de reconnaître les émotions avec une fiabilité de 80% est certes extrêmement intéressant, mais ce n’est pas un ordinateur idéal. Premièrement, il reste 20% d’erreurs et une mauvaise interprétation ou incompréhension est possible. Deuxièmement, même si l’ordinateur reconnaît de façon exacte l’émotion ressentie, il n’est pas certain que la machine répondra de manière appropriée.


De plus, les analyses obtenues se basent sur une moyenne obtenue à partir d’un groupe de sujets, or l’interaction homme machine se déroule entre un ordinateur et un utilisateur, dont le comportement ne suit pas forcément celui déterminé par un groupe de personnes. Il faudrait que le système prenne en compte cette variabilité inter et intra personnelle pour que l’interaction soit la plus bénéfique possible.


4.2.Relation homme machine


Dans le cadre de l’Affective Computing, une question d’ordre plus ou moins philosophique se révèle être pertinente, afin de mieux comprendre quels sont les enjeux d’une telle application.  Picard et Klein (2002) se permettent d’étendre la perspective qui avait été jusque là discutée dans la communauté. Ils postulent le fait que de reconnaître et de répondre aux émotions de l’utilisateur implique obligatoirement l’émergence d’un besoin sous-jacent : de quoi ont réellement besoin les humains pour se développer, vivre et s’épanouir en tant qu’individu dans notre société actuelle ? Ces besoins sont-ils par ailleurs bien définis ? Et quelle aide peut apporter une telle technologie computationnelle dans l’atteinte de la satisfaction de ces dits besoins ?


4.2.1.Exploration des besoins émotionnels

Concernant la première problématique, autrement dit l’exploration des besoins affectifs, Maslow (1987) postule clairement l’existence d’une hiérarchie des besoins humains, du plus basique (la survie) au plus sophistiqué (l’estimation de soi et ce qu’il nomme « l’actualisation de soi »). Cependant, nous pensons qu’il faut désormais passer outre ce niveau et commencer à voir l’homme en tant qu’entité, qui demande un plus haut degré de satisfaction que le simple fait d’accomplir avec productivité et efficience certaines tâches. C’est alors qu’interviennent les émotions, dans le sens où un simple changement d’état affectif peut influencer grandement la créativité, le raisonnement ou toute autre faculté mentale supérieure, comme expliqué précédemment.


La littérature a alors envisagé deux types de besoins : la première catégorie concerne les habiletés émotionnelles, c’est-à-dire la faculté avec laquelle, un individu peut exprimer, comprendre et faire face à ses propres émotions comme à celles d’autrui. Cette notion se rapproche de celle d’intelligence émotionnelle, définie plus haut. La seconde catégorie est décrite en termes de besoins émotionnels par l’expérience, sous-tendant le fait que les émotions se rencontrent généralement via l’assistance ou la présence d’autrui, c’est-à-dire via l’interaction sociale. Cela inclurait les besoins attentionnels, constants et forts chez les enfants (Bowlby, 1969) ; les besoins de se sentir compris par son entourage (Ickes, 1997) ; de sentir que ses réponses émotionnelles sont acceptables par autrui (Gordon, 1970) ; que ses expériences et ses réponses émotionnelles sont considérées comme « normales » et appropriées à la situation (Myers, 1989) ; de se sentir en connexion avec le monde environnant (Bowlby, 1969) ; et enfin, cela se traduirait par un besoin de compagnie et de sécurité (Maslow, 1987). Cette liste, de part son côté exhaustif, montre que l’interaction homme machine est loin de répondre à toutes les attentes, mais nous soutenons l’idée selon laquelle elle en prend peu à peu le chemin, mais de quelle façon ?


4.2.2.Ordinateurs et besoins émotionnels

Les systèmes, tentant de percevoir l’affect de l’utilisateur, présentent un grand nombre d’applications potentielles, tout aussi utiles (cf. partie 3.3). Ces dernières répondent en fait aux besoins émotionnels, définie par l’intelligence de même nom. Le premier besoin serait une aide émotionnelle par l’expérience. Par exemple, le système CASPER (Klein, 1996) est capable de détecter certains aspects caractérisant la frustration de l’utilisateur et cela répondrait alors favorablement à un certain besoin, celui d’exprimer clairement et efficacement un état affectif. Une autre application fournirait un outil de prévention, qui détecterait les situations où l’individu serait dans une configuration affective plus apte à basculer vers la frustration et réagirait en conséquence. Une dernière application pourrait être une sorte de « miroir émotionnel », permettant d’acquérir les capacités de gérer ses émotions, par le biais d’une rétroaction (Tigre affectif ou tuteur pour les autistes).


Les applications peuvent être même de nature indirecte. Par exemple, Card et al.(1974) ont développé une aide indirecte pour les besoins émotionnels en interrogeant des patients sur leurs problèmes gastrointestinaux. Une machine, ne prenant pas en compte les variations d’intonation de la voix ou autres manifestations émotionnelles, fera un moins bon diagnostic qu’un médecin. Cependant, lors de la détection de ces modifications, certaines personnes interrogées préféraient leur système de diagnostic car plus poli, accordant plus de temps pour répondre, plus impartial et compétent (même si cette dernière proposition n’est pas confirmée).


4.2.3.L’interaction inter humaine comme modèle

Rubinstein et Hersh (1984) suggèrent que les règles de langage23 entre plusieurs personnes peuvent s’appliquer dans le cas de communication homme machine. Les subtilités de l’implémentation de telles règles sont extrêmement importantes car elles pourraient provoquer un échec de l’interaction si elles sont ignorées. Ce serait une erreur de penser que, par l’implémentation de caractéristiques de l’humain (human-like), le système serait plus humain, et par conséquent, s’améliorerait. Par exemple, un manque d’attention ou tout du moins non appropriée, ne doit pas être transposé au cadre de l’interaction homme machine. D’autres subtilités doivent être prises en compte, comme le style de langage employé. Ce dernier doit être professionnel et détaché lors de transactions financières, et apparaître plus amical et intéressé lors d’échanges personnels.


Une autre question, si nous nous plaçons dans la logique du modèle humain, pourrait être la suivante : un ordinateur doit-il « ressentir la douleur » pour pouvoir procurer une aide ? De nombreuses personnes vous répondraient qu’elles accepteraient mieux la sympathie de l’ordinateur si tel était le cas. En plus de gros problèmes techniques incapables de donner aux machines les sens que nous possédons, nous ne voyons toutefois pas l’utilité d’une telle approche. En effet, par analogie, une personne peut en aider une autre sans avoir eu ces mêmes expériences dans le passé – comme un homme qui soutient une femme dans l’accouchement ou un thérapeute qui aide une personne sexuellement abusée. Le pouvoir de ressentir exactement ce qu’une personne ressent est certes très puissant, mais cela n’est pas nécessaire dans le cadre de l’interaction homme machine, et nous ne souhaiterions pas qu’une telle chose arrive.


Il faut garder à l’esprit que le domaine de l’Affective Computing ne veut pas concevoir des robots humanoïdes ; le but est de permettre aux hommes de combler leurs besoins émotionnels. La conception philosophique diffère subtilement mais est non négligeable : la façon dont les hommes abordent un problème peut fournir la solution ultime de planification, selon le but envisagé – ou non – et c’est dans ce sens que nous n’avons pas à dupliquer leurs capacités émotionnelles dans les machines, si cela est un jour possible.


4.3.Implications pratiques et théoriques


Au vu de l’essor des technologies computationnelles permettant un recueil de plus en plus fin des données sous-jacentes aux émotions, il convient de faire le point sur les implications théoriques et pratiques, positives comme négatives, qu’une telle discipline engendre. Les ordinateurs seront capables, dans un futur proche, de reconnaître les inflexions vocales et les attitudes de tout utilisateur. La reconnaissance de l’affect faciliterait finalement la capacité des ordinateurs à prendre en compte les règles de la communication inter humaine, mais non sans soulever un certain nombre de questions.


Le premier problème concerne la notion d’atteinte à la vie privée. Picard et Klein (2002) postulent que la reconnaissance affective ne doit se faire que dans la mesure où l’utilisateur est au courant de ce protocole, qu’il a le contrôle de ses sentiments et qu’il accepte et choisisse consciemment ce nouveau type de communication avantageux. Le deuxième problème, du même ordre, relève des informations personnelles et individuelles, qui ne se bornent pas au domaine de l’Affective Computing. Le dernier problème, que nous allons développer par la suite, est inhérent à la pensée anthropomorphique, c’est-à-dire la tendance à attribuer aux objets manufacturés des caractères propres à l’homme.


4.3.1.Les logiciels interactifs

Les logiciels ne se résument pas aux jeux vidéo, prenons l’exemple de la difficulté d’impression d’un texte. L’ordinateur peut utiliser deux stratégies distinctes lorsqu’il détecte une frustration de l’utilisateur, dont l’une tente de déterminer la cause de cet état émotionnel, comme le montre l’exemple suivant :


Utilisateur : Argh !! Je n’arrive pas à imprimer cette page ! je n’y arriverais pas.

Ordinateur : Des problèmes ?

Utilisateur : oui ! je suis en retard sur ce travail et je n’arrive pas à imprimer cette stupide feuille. Grrr…

Ordinateur : Eh bien, ça a l’air frustrant.

Utilisateur : Tu as raison. Si je n’imprime pas cette page, je ne rentrerais sûrement pas à la conférence.

Ordinateur : Eh bien, je ne suis qu’un ordinateur stupide, mais je suis désolé que tu sois dans cette galère. Ca a vraiment l’air difficile.

Utilisateur : Merci. Cette imprimante est vraiment nulle. Hmmm, je peux sûrement aller l’imprimer ailleurs…


Voici une autre approche de cette situation :


Utilisateur : Argh !! Je n’arrive pas à imprimer ce dossier ! je n’y arriverais pas.

Ordinateur : Des problèmes ?

Utilisateur : Oui ! Je suis en retard sur ce travail et je n’arrive pas à imprimer cette stupide feuille. Grrr…

Ordinateur : Hmm. Tu sembles frustré. Tu sais, Hélène et Marc avaient aussi l’air frustrés quand ils ont utilisés cette imprimante hier.

Utilisateur : Vraiment. (Il penche la tête par la porte). Hélène et Marc sont-ils dans les parages ?

Marc : Oui, je suis ici, ça va ?

Utilisateur : J’ai des problèmes pour imprimer.

Marc : Oui, je crois la sensibilité d’impression est mal réglée. Mets-la au maximum de couleurs, ça a marché pour nous. On la réparera lundi.

Utilisateur : Super ! Ça marche. Merci ! (Il se tourne vers l’ordinateur) et Merci à toi.


(d’après Picard et Klein, 2002).



Ces stratégies n’utilisent pas une intelligence artificielle avancée et tentent tous deux de subvenir à la gestion des émotions de l’utilisateur, en se basant sur des connaissances de psychologie. Cependant, quelques points peuvent être discutés : l’ordinateur fait référence à lui en utilisant le pronom « je » et se qualifie de « désolé » alors que de tels sentiments n’existent pas objectivement dans la machine.


Cela dit, cet exemple démontre que lors d’une interaction avec un ordinateur, les émotions dites négatives peuvent être atténuées et les capacités computationnelles fournir un support émotionnel. Cela reflète le respect envers les besoins émotionnels, trop souvent ignorés dans l’interaction homme machine classique.


La frustration peut avoir de nombreux effets déplaisants, comme augmenter l’éveil négatif, les probabilités de s’énerver, diminuer les ressources attentionnelles, la créativité intellectuelle et l’interaction harmonieuse avec les autres. Notamment, comme les émotions négatives, elle peut être douloureuse, voire enlever le plaisir. Le système CASPER (Klein, 1996) prouve que l’interaction peut aider les hommes à gérer les évènements difficiles, rendant la vie quotidienne moins stressante, voire plus productive et plus agréable.


4.3.2.Communication on-line 

Un des problèmes de la discussion on-line est le manque de moyen pour communiquer les états affectifs des internautes. Bien qu’il existe des icônes – les smileys    -, cela n’apporte qu’une connotation affective et non l’état émotionnel effectif dans lequel se trouve l’individu, cela réduit même les capacités émotionnelles. Grâce à la traduction des signaux sous-jacents à l’émotion et à une information objective en retour, nous pouvons supposer une amélioration de la pratique et de l’utilisation des mails. De nombreux projets de recherches sont en cours sur ce sujet.


Myers (1989) suggère que peu d’individus, au moins dans la culture américaine, aient des capacités solides et impartiales d’écoute attentive. A vrai dire, les capacités constructives de communication sont largement appréciées d’autant plus qu’elles sont rares. Les ordinateurs pourraient alors avoir un impact considérable, dans le sens où ils serviraient de modèle positif pour les interactions inter humaines ultérieures.


Cependant, il faut garder à l’esprit que l’interaction homme machine n’a pas pour but de remplacer l’interaction inter-humaine, mais plutôt de combler les moments ou cet échange manque, lors par exemple d’un moment d’isolation ou de manque d’aide. Ces lacunes sont une opportunité pour les ordinateurs d’étendre le champ des possibilités de répondre aux besoins de l’homme. Ce n’est pas pour autant que cette approche a une visée psychothérapeutique, elle ne propose pas un traitement pour résoudre les problèmes psychopathologiques à long terme.


4.3.3.Manipulation émotionnelle

Fournir un support pour la régulation émotionnelle peut paraître une version apprivoisée d’un concept détestable, comme la manipulation émotionnelle involontaire, le « lavage de cerveau » ou le contrôle de l’esprit. Au-delà de cette franche inquiétude, la reconnaissance émotionnelle est loin de cette idée.

Les humains ont d’un côté tendance à développer des moyens de résistance envers une manipulation. De l’autre, les individus acceptent la musique, le café, l’humour et d’autres sources de manipulation de leur humeur, sans en avoir pleinement conscience. De plus, la manipulation n’a pas forcément une connotation négative : dans l’étude de Klein (1996), des effets comportementaux robustes sont apparus sans être cognitivement détectés. Les individus ont reporté se sentir mieux, sans avoir conscience d’aucune quelconque manipulation.

L’approche de la régulation émotionnelle peut être néanmoins utilisée involontairement. Dans la même mesure, le fait de dire « merci » ou « s’il vous plaît » peut aussi, dans une moindre mesure, influer les comportements des personnes de votre entourage, car ils sont dirigés par une bonne volonté.

Il faut noter que toutefois, la manipulation a ses limites. Si une personne vous cause des ennuis, même de façon polie et avec des excuses, votre patience s’épuisera.


Ces constatations amènent alors à un dilemme d’ordre éthique : dans le domaine commercial, faut-il délibérément concevoir un produit pour causer des problèmes au consommateur dans le seul but de l’abuser et d’engendrer une plus grande fidélité en lui faisant acheter de nouveaux produits résolvant ces problèmes ? En un mot : frustrer le client, l’aider et l’amener à acheter plus. La solution n’est pas aussi simple qu’il n’y paraît. Pour transposer ce problème, il est connu que si l’on traite bien ses employés, cela a une répercussion sur leur moral et sur leur productivité, alors meilleure. Toutefois, s’ils savent qu’ils sont traités de la sorte uniquement à des fins de productivité, ce comportement aura les effets inverses. En clair, les intentions des entreprises importent : si les acheteurs pensent que les aides émotionnelles sont uniquement créées dans un but lucratif, la stratégie échouera, causant plus de pertes à la compagnie, mais aussi une perte d’intégrité vis-à-vis du consommateur et de la société.




4.3.4.Retirer toute forme d’émotion négative

Un autre problème est celui qu’un ordinateur pourrait, dans un cas extrême, effacer toute forme négative d’émotion, une sorte de soma24 computationnel pour les personnes qui ne sont pas heureuses (Huxley, 1965). Mais il faut éviter cet amalgame que toute émotion négative est mauvaise, bien au contraire. De légères colères, provoquant une détresse ou une frustration, peuvent pousser à trouver un exutoire. En fait, les émotions négatives, selon le conditionnement opérant, sont associées à des punitions positives, c’est-à-dire que l’apparition d’un stimulus va entraîner la diminution de la probabilité d’émission d’une conduite. Il y a donc un apprentissage par les émotions négatives.


4.3.5.Un apport artificiel

Il peut être reproché aux ordinateurs qui offrent des signes d’empathie et de sympathie un manque d’authenticité et donc de crédibilité. Cela peut être vrai dans la mesure où la machine simule les comportements humains sans réellement « savoir » le problème, sans exprimer sincèrement de l’empathie et les valeurs associées, et de vraiment comprendre les émotions que la personne ressent. Le fait que ce type d’interactions puisse marcher est toutefois sans surprise vu le nombre de similarités partagées lors d’interactions homme – animaux, au cours desquelles il existe de significatifs effets bénéfiques. Il y va de même avec les animaux domestiques artificiels, ne comprenant que très superficiellement les émotions humaines.


Cependant, l’apparence que prend l’empathie d’autrui n’est pas nécessairement aussi authentique et sincère qu’il y paraît, même si la crédibilité semble une valeur importante. Par exemple, lors d’une séance de psychothérapie, l’empathie que le thérapeute a envers son patient ne correspond peut être pas à ses propres valeurs. Cependant, le but est atteint lorsque le patient a eu le sentiment d’être écouté et compris, objectif similaire de celui de l’aide émotionnelle artificielle.


D’un point de vue philosophique, l’approche computationnelle est au fond une simulation idéalisée d’une réelle empathie ; c’est peut être, par essence, la nature de l’homme ; qui ne résiste pas à la séduction de cette facilité. Cette notion est assez troublante, notamment si l’on se réfère à Starr (1994) pour qui, la simulation existe par essence. Certains propriétaires d’animaux confirment cette idée en leur attribuant une compréhension émotionnelle bien plus grande qui ne peut être justifiée scientifiquement. Que doivent alors faire les concepteurs de systèmes, comme CASPER, vis à vis de ces utilisateurs qui trouvent un bénéfice à nourrir leur but d’illusions? De plus, quelle est la proportion d’usagers tombant dans cette catégorie ? Les outils d’un support émotionnel computationnel représentent-ils une contribution aux outils de la société qui ont été développés en trompant les citoyens ? Ou sont-ils des instruments éloquents et bénéfiques pour l’équilibre spirituel humain, la productivité et l’atteinte d’objectifs personnels, dépassant cet emploi insidieusement maléfique ? Indéniablement, la recherche dans le cadre de l’interaction homme machine devra prendre en compte ces considérations dans les années futures, tout en conservant un haut degré d’authenticité.



4.3.6.Diminuer la réalité

Un bénéfice potentiel de cette technologie est de rendre l’expérience émotionnelle– actuellement rare – plus courante, voire automatique. Cependant, en automatisant avec succès une partie des réponses humaines authentiques, cela pourrait entraîner un affaiblissement des fondements de l’efficacité pour les conversations tant réelles que simulées. Les grottes de Lascaux sont une illustration de ce propos, qui après avoir été dupliquées, Baudrillard écrit : « La duplication est suffisante pour rendre les deux artificielles » (Baudrillard, 1983). De fait, une autre implication pourrait être celle de rendre les interactions inter humaines moins efficaces, dans le sens où les hommes seraient moins réceptifs à l’empathie d’autrui.


4.3.7.Machines amies, la prochaine génération ?

Les enfants ont éternellement grandis avec le sentiment d’un lien émotionnel avec leurs jouets (couverture, poupées). Quelle sera la différence avec la nouvelle génération d’enfants évoluant avec des jouets interactifs ? Les jouets interactifs, que sont actuellement Barney, Tamagocchi, Furby ou « Winnie l’ourson », peuvent-ils faire croire aux enfants que les jouets, avec qui ils peuvent avoir une interaction émotionnelle, ont réellement des émotions ? Ce support de régulation émotionnelle, s’il est instauré très tôt au cours du développement de l’enfant, aura-il un impact bénéfique, un effet éducatif ou provoquera-t-il un développement dénué de toute manifestation émotionnelle ? Cette question peut-être étendue aux adultes. Nous pouvons imaginer une addiction similaire aux objets actuels comme le café, les cigarettes et le chocolat (« j’ai juste besoin d’une pause avec mon ordinateur et je me sentirai mieux »). Jusqu’à quelle limite réside le contrôle entre un individu et son confident ? Ce problème n’est clairement pas encore à résoudre, du fait des limites technologiques.

4.4.






Conclusion



Ainsi, l’émotion se définit comme le résultat d’une appréciation de la signification d’un événement pour l’individu, provoquant des réactions physiologiques et endocriniennes, musculaires et expressives, motivationnelles et comportementales. Les émotions ont un aspect adaptatif. Elles sont donc des mécanismes permettant à l’organisme de préparer une réponse flexible et adaptée à des événements susceptibles d’affecter le bien-être de l’individu. Elles sont aussi cruciales pour la communication et l’interaction sociale. Les émotions ne doivent plus être considérées comme un luxe lors de l’étude des processus cognitifs rationnels ; au contraire, elles sont nécessaires à l’intelligence et la créativité humaine mais aussi à la prise de décision. Si les ordinateurs veulent interagir de façon naturelle et intelligible avec les humains, ils doivent avoir les facultés de reconnaître et d’exprimer des émotions.


Certes, quand il y a trop d’émotions, l’inadaptation peut apparaître. Mais en donnant aux ordinateurs la faculté de reconnaître ces émotions et de réagir en conséquence, l’inadaptation s’estompe par la prise de conscience de l’individu de l’existence de ces émotions d’une part et par leur possible gestion via diverses interfaces, d’autre part. L’adaptation oriente alors l’individu vers de meilleures performances, dans le sens où les facteurs empêchant une bonne efficience sont diminués.


L’Affective Computing est une nouvelle aire de recherche, avec de récents résultats sur la reconnaissance et la synthèse des expressions faciales et de l’inflexion de la voix. Bien sûr, une variété de mesures physiologiques aide à la reconnaissance des émotions, et les applications, comme les  « affectives wearables » qui permettent de percevoir le contexte et l’environnement, laissent entrevoir des avancées sur les théories cognitive et affectives.


Les implications envisagées ne se limitent pas au domaine de l’interaction homme machine. Elles s’étendent dans de nombreux domaines, comme la productivité humaine, le design de produits, la satisfaction du consommateur, la sociologie, la philosophie et même l’amélioration de la qualité de vie.



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1 Partie de l’encéphale située à la base du cerveau, jouant un rôle essentiel dans la sensation (voir figure 1).

2 L’hypothalamus est une structure située à la base du cerveau et où se trouvent de nombreux centres régulateurs des grandes fonctions (faim, soif, activité sexuelle, sommeil – éveil, thermorégulation).

3 Suite à un accident ou à une maladie, une modification du tissu cérébral peut provoquer des troubles cognitifs. En corrélant le substrat biologique lésé et la pathologie associée, on arrive à définir la fonction de la zone atteinte.

4 La mémoire épisodique enregistre et associe dans la mémoire toutes les expériences vécues à un moment donné, en associant chaque événement à son contexte. Cette mémoire est dite explicite, elle a la capacité de garder les événements liés à l'apprentissage

5 La mémoire implicite permet d'apprendre sans retenir le souvenir de l'expérience ayant permis l'apprentissage.

6 Structures cérébrales situées à la face inférieure du lobe temporal

7 La théorie de la valeur attendue part du principe qu’avant de prendre sa décision, le sujet passe en revue toutes les alternatives offertes et en évalue le gain final par rapport à leur probabilité d’occurrence avant de choisir la meilleure d’entre elles.

8 La théorie de l’utilité attendue décrit l’attitude du sujet envers le risque. Elle regroupe plusieurs principes dont celui de transitivité et de mise certaine.

9 Si un preneur de décision préfère A à B et B à C, alors il doit préférer A à C.

10 Si deux choix risqués entraînent des résultats dont certains sont identiques et de même probabilité, alors l’utilité de ces résultats ne doit pas être prise en compte par le preneur de décision.

11 Ce terme se réfère aux conceptions à propos des actes, des issues et des contingences associées avec un choix du sujet.

12 Empathie : capacité de se mettre intuitivement à la place de son prochain, de ressentir la même chose que lui, de s'identifier à lui. Les identifications aux pensées ou à l'action d'autrui vont jusqu'à ressentir les sentiments de l'autre.

13 Capacité d’adaptation du système nerveux pour compenser la perte de fonctions cognitives dues à une lésion.

14 La dominance mesure le fait que le sujet contrôle le stimulus ou que le stimulus le contrôle. Cette mesure, en raison de sa définition imprécise, est peu utilisée.

15 Augmentation de la réactivité des divers systèmes du corps (nerveux, hormonal, musculaire…).

16 L’éveil n’est pas seulement un indicateur de l’activation émotionnelle; c’est aussi un bon prédicateur des deux aspects importants de la cognition : attention et mémoire. Les événements d’éveil importants ont tendance à attirer l’attention et sont plus mémorables que des évènements de faible éveil.


17 ontogenèse : développement de l'individu par opposition à phylogenèse, développement de l'espèce

18 Prosodie : partie de la phonétique qui étudie l’intonation, l’accentuation, les tons, le rythme, les pauses, la durée des phonèmes.

19 État émotionnel négatif résultant de l'empêchement à atteindre un but ou de réaliser un désir déjà atteint ou réalisé par anticipation.

20 Les auteurs postulent que l’activité somatique générale peut être mesurée par les mouvements de la souris.

21 Programme autonome évoluant dans un environnement informatique.

22 Langage de programmation

23 Il existe des règles de contenu propositionnel (détermine le contenu propositionnel de l’acte de langage) ; des règles préliminaires (portent sur les croyances d’arrière-plan et sur la situation d’énonciation) ; des règles de sincérité (porte sur l’état mental du locuteur) ; et des règles essentielles (spécifie le type d’obligation contractée par l’un ou l’autre des interlocuteurs).


24 Ensemble de cellules non reproductrices des êtres vivants.